Un des plus graves délits du code pénal demeure sans conteste le recel. Ce délit est lourdement combattu car le législateur considère que sans le receleur, il n'y a pas de voleur, ce dernier ne pouvant se débarrasser du produit du vol aussi aisément. Et pour certains juges du siège, le recel est palpable lorsqu'ils abordent le prix d'achat de l'objet volé et revendu. Pour la défense, toute la stratégie est axée sur l'ignorance de la provenance du produit. En mariant les deux suppositions, le juge arrive à démêler l'écheveau... Selma Bedri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach, juridiction qui opère sous l'œil vigilant de la cour d'Alger appelle Slimane R., un barbu sympathique, commerçant de son état, marqué par la grave inculpation de recel, fait prévu et puni par l'article 387 du code pénal. L'inculpé s'avance de la barre. Maître Mallia Bouzid Adnane lui lance un clin d'œil d'encouragement, probablement juste pour le rassurer, car l'inculpé fait une tête, mais alors une tête on ne vous dit pas. - «Inculpé ! Ce tribunal a du travail. Il a même beaucoup à faire. Alors, une seule question va vous être posé à propos des faits qui vous sont reprochés : «Avez-vous ou non commis le recel ? marmonne la magistrate, visiblement non disposée à perdre le précieux temps aux justiciables d'abord. La salle est boudée. L'inculpé ne cherche pas ses mots. Il dit que c'est un commerçant honnête, chez qui il a l'habitude d'effectuer des achats d'objets divers juste pour faire un bénéfice conséquent. - «Je ne crois pas avoir triché, ni volé, ni fait quoi que ce soit qui puisse aller à l'encontre de la loi.» - Bon, reprend Bedri, le tribunal va poser une autre question : «Est-ce raisonnable de payer la machine à ce bas prix ?» L'inculpé répond plus vite cette fois. - «Oui ! c'est une machine achetée en troisième main mais qui est en très bon état», répond-il sans paniquer cette fois. - «C'est comme vous voulez. C'est votre point de vue. Madame la procureur, vos demandes SVP, chantonne la juge Nadia Belkacem, la procureur réclame la peine de prison ferme de un an, sans aucun commentaire, car le commentaire, c'est Maître Bouzid Adnane qui va s'en occuper. D'abord, elle commence par des réserves sur l'inculpation. «C'est un scandale. Voilà ce brave commerçant qui achète une machine pour son local commercial, pas pour la revendre avec un éventuel bénef. on l'arrête, on le poursuit. Heureusement qu'il n'a pas été incarcéré. C'est stupide, car l'article 387 du code pénal dispose entre autres que : «quiconque, sciemment recèle, en tout ou en partie des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit...» Madame la présidente, il est stipulé le mot : «Sciemment» avec un autre mot des choses «enlevées». Non, Slimane a acquis la machine au marché d'El Harrach où des milliers de gens font un va-et-vient infernal. Pourquoi n'a-t-on pas trouvé le voleur de cette machine ? Pourquoi donc la victime avait reconnu sa machine volée chez mon client, alors qu'il avait déclaré aux policiers qu'elle avait rendu visite au marché hebdomadaire trois fois.C'est par pure coïncidence que sa machine avait été vue chez Slimane R. qui est blanc comme le sucre et innocent. C'est pourquoi la défense n'a qu'une seule demande : la relaxe.» Bedri – ce n'est pas son fort – remercie l'avocate de Chéraga invite Slimane R. à prononcer le traditionnel dernier mot et relaxe sur le siège, l'inculpé qui sourit pour la première ce jour.