Le taux de chômage a très sensiblement baissé durant ces dix dernières années en Algérie, au Maroc et en Tunisie. La baisse de la fécondité et la faible participation des femmes ont réduit considérablement la pression sur le marché du travail. C'est ce que révèle une étude de Carnegie Moyen-Orient, conduite par Lahcen Achy, professeur à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée (INSEA) de Rabat et chercheur au sein de ce cabinet. Cette étude sur le chômage au Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) fait ressortir en fait que les statistiques officielles sur le taux de chômage dans ces pays sont «plus ou moins» incorrectes. Il s'avère que l'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont réussi ces dix dernières années à ramener le chômage à des niveaux assez bas : 9,1% au Maroc, 10,2% en Algérie et 13,3% en Tunisie en 2009, contre respectivement 13,4%, 30% et 15,7% en 2000. Ces données statistiques sont officielles et élaborées selon les critères du Bureau international du travail (BIT). Pour autant, la réalité est ailleurs, et l'étude de Carnegie Moyen-Orient estime même que ces données sont «trompeuses». Pourquoi ? Il y a d'abord le facteur démographique : les taux de natalité dans les trois pays ont sensiblement baissé et ont été divisés en deux en un quart de siècle. De six enfants par femme encore au début des années 80, on est passé à 2,5 enfants par femme en 2007. Résultat, l'accroissement de la population a plus que ralenti : un peu plus de 1% par an en 2008, contre 3% dans les années 80. En outre, les taux de participation dans les trois pays considérés sont particulièrement bas, selon l'étude. Au Maroc, le taux d'activité (c'est-à-dire la part des personnes actives dans la population totale âgée de 15 et plus) était de 49,9% en 2009, contre 54,5% en 1999. En Tunisie et en Algérie, ce taux est encore plus bas : respectivement de 46,9% et 41,4% en 2008, contre 51% et 48,1% en 2001. L'explication à ce phénomène revient au faible taux d'activité des femmes dans ces trois pays, selon l'étude de Carnegie : 27% au Maroc en 2009 (contre 28% en 2003), 14% en Algérie (contre 17% dix ans plus tôt) et 25% en moyenne au cours des dix dernières années en Tunisie, pourtant précurseur dans le domaine de l'émancipation de la femme. Il y a donc moins de pression sur le marché du travail. Enfin, le développement du secteur informel au Maghreb, selon M. Achy, y est pour beaucoup dans les créations d'emplois et, partant, dans la baisse du chômage. L'étude conclut qu'au Maghreb le chômage touche beaucoup plus la frange des universitaires, plus exigeants quant à leurs emplois et leurssalaires, que ceux qui n'ont pas poursuivi leur cursus scolaire. La colère des jeunes diplômés chômeurs en Tunisie n'a rien d'une surprise. La Tunisie, elle, a le taux de chômage des jeunes le plus élevé (plus de 30%) et ce niveau n'a connu aucune amélioration ces dernières années.