D'anciennes figures de proue du parti, exclues du RCD, se refusent à tout commentaire. D'anciens militants de la formation de Sadi, exclus pour avoir contesté en leur temps les choix «autoritaires» et «hasardeux» du chef du RCD, ne savent quoi dire de cette nouvelle sortie de leur ancien compagnon de route. Le député Ali Brahimi, qui ne semble pas digérer son exclusion du parti, s'est voulu plutôt réservé dans ses réponses. D'emblée, il nous annonce qu'il n'a rien à dire en particulier sur la marche d'aujourd'hui. «Je n'ai pas de commentaire à faire», nous dit-il, avant de se raviser en bon militant politique : «Je n'ai pas de commentaire, certes, mais concernant l'activité politique, chacun est libre de faire ce qu'il croit être bon pour lui.» Gêné par la question, Tarek Mira, lui aussi exclu des rangs du RCD, a été très clair : «Je suis désolé, je n'ai aucun commentaire à vous faire. Non, je n'ai aucun commentaire là-dessus !» Nous avons tenté de recueillir l'avis des autres cadres exclus du parti, mais il était impossible de les joindre. Les réponses de quelques sympathisants du RCD sont, elles, très mitigées. «Si c'est pour imiter les Tunisiens, ça ne vaut pas la peine», nous avoue un confrère qui se dit proche «sentimentalement» du parti. Un autre, fidèle adepte du parti, explique que la marche vise, en plus de défendre nos libertés, la nécessité de lever l'état d'urgence. La provocation de trop ? Bien qu'il se revendique de l'opposition radicale, le RCD n'en est pas moins représenté dans toutes les institutions élues de l'Etat. A la tête de plusieurs assemblées communales, le parti du Dr Saïd Sadi dirige aussi les assemblées populaires des wilayas de Tizi Ouzou et de Béjaïa, et occupe 19 sièges à l'Assemblée nationale dans la législature 2007-2012. Mais sa présence dans ces instances de la représentation populaire n'est pas pour lui donner suffisamment de poids pour influer sur les grandes décisions politiques. Une raison qui explique, peut-être, le recours systématique de ses dirigeants à la provocation, le but étant de toute évidence d'attirer un tant soit peu l'attention de l'opinion. Il faut dire que ni les interventions excessivement provocantes de ses parlementaires dans l'hémicycle de l'APN, ni les sorties médiatiques à l'étranger de son inamovible président n'ont pu lui faire jouer le rôle de parti proposant une alternance. L'appel à une marche dans la capitale s'inscrit-il alors dans cette logique ? Le RCD, pour rappel, avait frappé les esprits lorsqu'il a arboré au fronton de son siège un drapeau noir à la place de l'emblème national, mais cette opération médiatique a fait long feu. Cette fois-ci, les choses sont plus sérieuses puisqu'il s'agit d'une marche populaire dans la capitale, non autorisée par la wilaya d'Alger, et de surcroît dans un contexte sécuritaire qui ne se prête guère à ce genre de manifestation publique. Le pays demeure en effet régi par l'état d'urgence, qui suppose l'interdiction des attroupements politiques ostentatoires sur la voie publique, mais aussi la possibilité d'une intervention musclée des services de sécurité pour disperser la foule, si tant est qu'il lui soit possible de se rassembler. Bien que présents en force dans les régions du centre-est du pays, en particulier les wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, outre de nombreuses communes de la région, Tipaza, Alger, Boumerdès, le parti du Dr Sadi peine à s'implanter dans le reste du pays. Il est en perte de vitesse dans son bastion de Kabylie, où il est même bousculé par le MAK de Ferhat M'henni. S'il reste entendu que les actions du parti relèvent de son entière responsabilité, et qu'il n'est nullement question de les remettre en cause, nombre de sympathisants et d'observateurs neutres regrettent cependant l'hostilité véhémente du RCD à tout avis contraire, et se désolent des réactions épidermiques qui empêchent la réflexion et le débat contradictoire.