Décidément, rien ne va plus au Rassemblement pour la culture et la démocratie. Loin d'être un banal acte isolé, l'exclusion de Djamel Fardjellah, désormais ex-vice-président et député RCD de Béjaïa, annonce plutôt une nouvelle série de purges ciblant des cadres influents du parti. Parmi eux, figurent, selon des sources dignes de foi, Tarek Mira et Ali Brahimi et auxquels pourraient se joindre quatre autres députés, eux aussi en rupture de ban avec la présidence du RCD. A la veille de la réunion du conseil national, prévue pour ce 4 juin, les députés de Béjaïa et de Bouira, des transfuges du FFS, démissionnaires de leurs postes respectifs de secrétaire national aux relations internationales, et de SN à la formation, sont officiellement « suspendus » de toute fonction au sein du parti, en attendant leur comparution devant la commission de discipline. Cette dernière, placée sous le contrôle exclusif du président du RCD, le docteur Saïd Sadi, la « broyeuse » du parti, entérinera, selon toute vraisemblance, l'exclusion des deux poids lourds de la direction nationale. La vieille garde du RCD, incarnée entre autres par Brahimi, Mira, Lounaouci (député d'Alger), Mazouz,etc., les désormais moutons noirs du parti, pourrait faire les frais de la purge annoncée. Une purge, une de plus, qui viendrait ainsi allonger la longue liste des « exclus » du parti créé en 1989. Contrairement aux précédentes opérations du même type, celle qui serait actuellement en préparation semble avoir donné naissance à un vrai mouvement de dissidence. Mouvement de contestation structuré ou action non concertée, les dernières sorties médiatiques de Djamel Fardjellah et de Tarek Mira témoignent on ne peut mieux du climat délétère, de crise qui règne au sein du RCD. Une crise qui, rappelons-le, a éclaté dans le sillage de la dernière élection présidentielle. Les velléités de participation au scrutin, prêtées à tort ou à raison au président du RCD et les deux résolutions adoptées le 15 janvier dernier par le conseil national du RCD ayant trait au boycott des élections et au gel des activités officielles du parti, ont visiblement accéléré la descente aux enfers de ce qui fut autrefois le « fleuron » du camp démocratique. Pour s'être opposé au président du RCD, Djamel Fardjellah, ancien lieutenant de Saïd Sadi et ancien président du bureau régional de Béjaïa, wilaya-vivier par excellence de militants pour le parti, a été suspendu, fin décembre, avant de se voir signifier son exclusion définitive. Officiellement pour « activisme parallèle » en violation du statut et règlement du parti. Dans sa première lettre au conseil national, en février dernier, Djamel Fardjellah révélait que la décision portant sur le gel des activités du parti était un coup de force du président du RCD. D'après Fardjellah, le conseil national « n'a jamais décidé d'une résolution qui aurait abouti à la mise en veilleuse des activités officielles ou publiques du RCD, encore moins de son groupe parlementaire ». Dans son communiqué d'avant-hier, Fardjellah enfonce davantage le clou et stigmatise dans sa déclaration la chevauchée solitaire du Dr Sadi. Le programme et le discours démocratiques du RCD sont l'otage d'une « gestion solitaire et arbitraire conduite d'une main de fer par un président inamovible (…) ». Si le clash entre Saïd Sadi et Fardjellah ne pouvait souffrir après cela un quelconque report, c'est, semble-t-il, aussi le cas avec ses deux autres compagnons de route, les députés Ali Brahimi et Tarek Mira. L'élu de Béjaïa et secrétaire national aux relations internationales, Tarek Mira, démissionnaire le 23 mai dernier, a été suspendu de toute activité au sein du parti depuis mercredi dernier. La mise à l'écart de Tarek Mira et de Ali Brahimi, non rendue publique par le parti, pourrait faire l'effet d'une bombe au sein du conseil national, eu égard au poids politique et au capital sympathie qu'ils suscitent au sein de la base militante. Les députés eux-mêmes, sans doute par précautions ou par calculs, observent un prudent wait and see et refusent de confirmer ou d'infirmer leur mise à l'écart. Dans sa contribution parue à Liberté samedi passé, tout en faisant le procès des partis se réclamant du courant démocratique, Tarek Mira donnait déjà un avant-goût des luttes sourdes et de la guerre des tranchées qui secouent la formation de Saïd Sadi. La guerre des tranchées « Les partis se réclamant de la mouvance démocratique sont le miroir inversé du modèle qu'ils entendent combattre. Les chefs sont inamovibles et les appareils verrouillés par des cooptations. Les congrès préfabriqués légitiment périodiquement les allégeances. La fidélité n'est pas aux idéaux mais aux leaders. Et l'esprit de complotite fait et défait les structures », écrit M. Mira, en prenant le soin de ne pas citer, pas une seule fois, le RCD. « La politique du verrouillage à double tour » pratiquée par la présidence du RCD, le fonctionnement antidémocratique ont motivé, d'après un proche du député, la montée au créneau de Tarek Mira. La somme de reproches que font les députés réfractaires à la nouvelle ligne politique du RCD ne s'arrête pas là. Des documents internes au parti, dont El Watan a été hier le destinataire, font ressortir des divergences de fond entre l'ancien secrétaire national à la formation, le député Ali Brahimi, et le président du RCD. Ni la direction du parti ni Ali Brahimi n'ont voulu authentifier les documents en question, qui portent le sceau et l'entête du RCD. Un échange de lettres… et d'accusations entre Ali Brahimi et Rabah Boucetta, secrétaire national à l'organique, illustre parfaitement la rupture consommée entre le député et sa hiérarchie. Ali Brahimi est accusé entre autres de « manquement à l'obligation de réserve », aux « dispositions statutaires », de tenir des « propos diffamatoires et en contrevérités sur le RCD ou ses responsables », « de développer un jeu personnel au détriment de la discipline et de la solidarité » partisanes. Dans sa réponse, Ali Brahimi rejette tout de go toutes les « allégations perfides », qualifie-t-il, portées contre sa personne. La défiance au mot d'ordre de gel des activités du parti, son refus de cautionner la substitution de l'emblème national par un drapeau noir brandi aux frontons des sièges du parti lors du scrutin présidentiel, et l'éclat qu'a reçu sa proposition de loi pour l'abolition de la peine de mort, proposition qui l'avait médiatiquement mis en avant ont été perçus, d'après Brahimi, comme une menace. Le but de cette campagne orchestrée de toutes pièces est de créer une illusion d'« ennemi intérieur » afin de susciter un patriotisme de parti autour de l'appareil. « C'est aussi la mise en place d'une ambiance préparant l'opinion militante à des décisions ultimes contre certains camarades atteints de déloyauté dès lors qu'ils ont osé douter de la justesse des décisions de la direction », réplique dans sa longue lettre, Ali Brahimi. Rabah Boucetta, que nous avons contacté hier, s'est refusé à tout commentaire. Pour ce responsable, il n'existe pas l'ombre d'une crise au sein du RCD et réfute catégoriquement les thèses soutenues par les dissidents et faisant état d'absence de démocratie et de liberté de parole dans les structures du parti. A propos des « cas » dits disciplinaires, Rabah Boucetta affirme ne pas être « habilité » à se prononcer « alors que la commission de discipline n'a pas encore délibéré ». Affaire à suivre.