La série de mesures annoncée par le gouvernement tunisien de transition à l'issue de son premier Conseil des ministres sera-t-elle à même d'apaiser la rue en proie à des manifestations revendiquant le départ de tous les ministres du RCD, parti du président déchu Ben Ali, en fuite en Arabie saoudite il y a juste une semaine ? Les tentatives du Premier ministre Mohamed Ghannouchi de «sauver ces ministres» en disant qu'ils avaient les mains propres n'avait rien changé à la grogne de la rue qui ne voulait rien entendre autre que la mise à l'écart de tous ceux qui étaient impliqués avec l'ancien régime. Ainsi, le Conseil des ministres tenu sous la présidence de Foued Mebazaa a, dans une autre tentative, adopté un projet de loi d'amnistie générale. Projet sur l'amnistie générale adopté «Le ministre de la Justice a présenté un projet de loi d'amnistie générale, qui a été adopté par le Conseil des ministres», a annoncé le ministre du Développement, Ahmed Néjib Chebbi, précisant que le projet sera soumis au Parlement. Les travaux de la réunion gouvernementale étaient essentiellement axés sur l'examen du projet de loi portant amnistie générale et l'application du principe de la séparation de l'Etat des partis politiques. Par ailleurs, comme pour rester à l'écoute de la population, le gouvernement a décrété à partir d'hier un deuil national de trois jours. Il a été souligné que le deuil a été décidé «en mémoire des victimes des récents événements». Quelque 78 morts et plus de 94 blessés ont été enregistrés, selon un bilan des autorités tunisiennes. L'ONU a estimé que les affrontements avaient fait plus de 100 morts. Une semaine, jour pour jour, après la fuite de Ben Ali, la Tunisie observait un premier jour de deuil national. Les imams ont été invités «à effectuer la prière de l'absent, à la mémoire des martyrs de la révolution du peuple tunisien». Les drapeaux étaient en berne et la télévision diffusait par intermittence des versets du Coran. Sur le plan politique et face à la forte contestation de la rue et de plusieurs partis d'opposition ainsi que de la centrale syndicale, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), le RCD a annoncé la dissolution de son bureau politique. Cette décision intervient à la suite de la démission de plusieurs des membres du bureau politique, dont le président par intérim Mebazzaâ et le Premier ministre Ghannouchi, ainsi que les ministres des Affaires étrangères, Kamel Morjane, et de la Défense, Ridha Grira, qui en étaient membres. Le secrétaire général Mohamed Ghariani a été «chargé provisoirement de la gestion des affaires du parti afin de prendre les mesures appropriées», ajoute le communiqué. Le RCD, dont des enseignes ont été arrachées et saccagées, appelle également ses militants, «en cette conjoncture délicate, à contribuer au renforcement des liens de solidarité entre les Tunisiens et les Tunisiennes dans le contexte des principes de la révolution du peuple» et les «exhorte à œuvrer en commun à l'édification d'une nouvelle démocratie sans exclusion ni marginalisation». Partout, les cellules professionnelles du RCD sont appelées à disparaître. Les assemblées générales se multiplient et les employés chassent les patrons coupables de s'être compromis avec l'ancien régime. Mais le peuple l'entendra-t-il de cette oreille ? Peu probable, expliquent des observateurs, qui disent que la population ne veut rien comprendre et ne jure que par l'abolition pure et simple de ce parti. Des mesures «apaisantes» Toujours dans l'optique de calmer les esprits en ébullition de la société civile et politique, le gouvernement de Ghannouchi a également décidé la restitution à l'Etat des biens mobiliers et immobiliers du RCD, la création de commissions d'enquête sur la réforme politique, le bilan des victimes ainsi que sur la corruption. Mais ce ne sont là que des mesures politiques que le peuple suit sans enthousiasme, mais avide de vérités sur des mesures concrètes. Ainsi l'annonce de l'arrestation des 33 membres de la famille du président Ben Ali a été accueillie avec joie par les citoyens. Des enquêtes vont être menées pour qu'ils soient traduits en justice. Par ailleurs et dans le souci d'accélérer le retour à la normale, le gouvernement a également allégé le couvre-feu et les médias locaux ont annoncé la réouverture des caisses d'assurance maladie alors que la reprise au niveau des écoles et des universités devrait intervenir la semaine prochaine, soit à partir de lundi. L'UE d'accord pour le gel des avoirs de Ben Ali et ses proches Sur le plan international, les pays européens sont tombés d'accord jeudi lors d'une réunion d'experts sur le principe d'un gel des avoirs du président Ben Ali et de ses proches. Cet accord préliminaire a été conclu lors d'une réunion à Bruxelles des experts des 27 pays de l'UE sur le Maghreb. L'UE attend à présent que les nouvelles autorités tunisiennes au pouvoir lui transmettent une liste précise des personnes à cibler pour ces sanctions. La décision de principe devra encore être formalisée par les ambassadeurs des Etats de l'UE puis surtout par les ministres européens des Affaires étrangères, très vraisemblablement lors de leur prochaine réunion prévue le 31 janvier.