Le ministère espagnol de l´Intérieur a engagé une procédure d´expulsion à l´encontre de 17 des 22 jeunes sahraouis qui sont arrivés, il y a environ deux semaines, à Fuerteventura (Îles Canaries), à bord d´une embarcation de fortune. Leur expulsion vers le Maroc était imminente hier, a-t-on appris auprès des autorités espagnoles après que celles-ci eurent conclu «après examen des dossiers» que ces cas ne «répondaient pas aux critères applicables aux réfugiés politiques». Sans attendre le recours judiciaire Du côté des organisations humanitaires et civiles, on estime que cette décision administrative a été prise précipitamment puisque l´Audience Nationale n´avait pas encore prononcé sa sentence sur le recours introduit par les avocats auprès de cette haute juridiction espagnole. Le Comité espagnol du HCR, la Commission Espagnole d´Aide aux Réfugiés (CEAR) et les associations civiles locales ont vainement tenté, ces derniers jours, de dissuader le gouvernement Zapatero de remettre ces «sans-papiers» apatrides à la police marocaine qui les poursuivait depuis le 8 novembre pour leur implication dans les manifestations ayant suivi la prise d´assaut brutale du camp de toile de Gdeim Izil, situé aux alentours de Al Ayoune. Selon CEAR, l´expulsion de ces 17 jeunes sahraouis est «une violation à l´article 22 de la «loi sur le droit d´asile» en matière de recours judiciaire relatif aux demandes d´asile politique. Le 28 novembre 2006, cette même ONG qui entretient d´étroites relations avec le HCR avait accusé avec beaucoup de virulence le Maroc de «responsabilité directe» du naufrage de deux embarcations de fortune à bord desquelles 31 jeunes sahraouis avaient péri au large des côtes du Sahara Occidental en fuyant la répression marocaine. «Le gouvernement Zapatero avait alors exprimé son émotion à la suite de cette tragédie, il aurait peut-être préféré que tel eût été le sort de ces 17 jeunes qu´il s´apprête à expulser chez leurs ennemis», déclare indignée une militante de la Fédération de Associations de Soutien au Sahara (CEAS) que préside l´activiste José Taboada. Angoisse des familles Les familles du groupe de jeunes sahraouis en attente d´expulsion du territoire espagnol vers le Maroc étaient, hier, dans tous leurs états, après avoir appris la nouvelle du rejet de leurs dossiers par Madrid. Elles avaient été pourtant soulagées, il y a quelques jours seulement, d´apprendre que leurs enfants avaient échappé à la police marocaine. Des appels de détresse ont été ainsi lancés depuis Al Ayoune par les proches aux autorités espagnoles pour revenir sur leur décision qui risque d´être lourde de conséquences au plan des droits de l´homme. La police espagnole n´aurait finalement pas pris en considération cet aspect en assimilant arbitrairement et froidement le cas de ces fugitifs apatrides à celui des harraga marocains venus chercher du travail en Espagne. «Ce n´est pas le cas des sahraouis qui ont fui à la fois la misère, le chômage et la répression marocaine», soutient-on parmi les partisans de la cause sahraouie à Madrid. «Si le gouvernement espagnol les livre, c´est le mot, aux autorités d´occupation, c´est la torture garantie jusqu´à la mort qui les attend dans les prisons marocaines, et le gouvernement espagnol prendra alors ses responsabilités car il est parfaitement conscient de ce danger», explique l´un des avocats qui a épuisé les démarches auprès de l´administration et des parlementaires locaux aux Canaries. L´appel lancé par le sénateur socialiste canarien Aurelio Abreu pour l´octroi du droit d´asile politique à ces jeunes qui ont fui le Sahara Occidental n´a pas été entendu par le gouvernement central. Au sein de la délégation du Front Polisario à Madrid, on soutient que le gouvernement marocain a de tout temps encouragé, sinon poussé les jeunes sahraouis vers l'exil pour dépeupler le territoire sahraoui. «Nous sommes en face d´une opération d´épuration ethnique destinée à dépeupler le Sahara Occidental de ses légitimes habitants et de leur substituer des colons marocains», avait estimé CEAS en 2005. Cette fois, ont craint parmi les associations humanitaires que l´épuration éthique ne se fasse pas par la contrainte à l´exil mais par la torture. Au service de Rabat Par ailleurs, les organisations civiles de soutien à la cause sahraouie ont critiqué les démarches effectuées, ces derniers jours, par Mme Trinidad Jimenez auprès la France, de la Russie, des Etats-Unis et des Nations unies, au cours desquelles la ministre espagnole des Affaires étrangères a tenté de «défendre et de justifier» la position du Maroc visant à faire l´impasse sur le droit du peuple sahraoui à l´autodétermination. Dans un communiqué qu´elle a publié, CEAS a dénoncé la campagne menée par Mme Jimenez et d´autres membres du gouvernement Zapatero en faveur des thèses marocaines ainsi que pour minimiser la violence de l´assaut brutal lancé par les forces marocaines contre du camp de Gdeim Izik, le 8 novembre dernier. La presse rend compte des entretiens que la ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, a eus hier à New York, avec le Secrétaire général de l´ONU, Ban Ki-moon, puis avec son représentant personnel pour le Sahara Occidental. Christopher Ross. Au terme de ces deux entretiens, la MAE espagnole a déclaré à la presse que l´Espagne qui est opposée à toute «solution imposée» soutiendra «tout accord qui sera conclu entre les deux parties impliquées» dans le conflit du Sahara Occidental, le Maroc et le Front Polisario. Pour cela, «il est nécessaire de faire le maximum pour aider ces deux parties à rapprocher leurs positions», a ajouté Mme Jimenez qui ne croit pas à «une solution dans le court terme» au conflit sahraoui. La MAE espagnole a plaidé auprès de ses deux interlocuteurs pour la tenue d´une réunion au niveau ministériel des pays membres du «Groupe des pays Amis du Sahara Occidental», composé des Etats-Unis, de la Russie, de la France, du Royaume-uni et de l´Espagne, afin de favoriser l´instauration d´ «un climat de confiance» dans les négociations entre le Maroc et le Front Polisario en vue d´une «solution juste et durable» au conflit qui les oppose. Elle a, toutefois, tenu à préciser que pour organiser une telle réunion, il faudrait, d´abord, recueillir l´accord de tous les membres de ce groupe. Les agences de presse croient savoir, en outre, que la question du Sahara Occidental sera au centre des entretiens que Mme Jimenez aura, aujourd´hui à Washington, avec son homologue américaine, Hillary Clinton. El Pais croit savoir que le ministère de l´Intérieur a engagé la procédure d´expulsion du territoire espagnol de 17 des 22 jeunes sahraouis qui sont arrivés, il y a environ deux semaines aux îles Canaries à bord d´une embarcation de fortune. Leur expulsion vers le Maroc pourrait intervenir dès aujourd´hui, bien que l´Audience Nationale, la plus importante juridiction espagnole, ne se soit pas encore prononcée sur le recours introduit par leurs avocats. Tous avaient engagé, avec l´aide des associations civiles locales, une demande d´asile politique en Espagne, avançant comme argument les persécutions par la police marocaine dont ils feraient l´objet pour leur implication dans la révolte populaire qui avait suivi la prise d´assaut du camp de Gdeim Izik. Les autorités espagnoles n´ont accordé le droit d´asile que pour 5 d´entre eux, ce qui a conduit le Comité espagnol du HCR à demander, la semaine dernière, un réexamen des dossiers des 17 autres en avertissant qu´en les remettant aux autorités marocaines, le gouvernement Zapatero les exposait à un réel danger.