Devant le risque de pénurie de pétrole, qui demeure réel, selon les différentes agences spécialisées, l'expert international et PDG d'Algeria International Consult, Mebarek Malek Serrai, a espéré que «la crise égyptienne trouve une rapide solution afin que le monde pétrolier retrouve à son tour sa sérénité et un prix équilibré du prix du baril qui soit acceptable à la fois pour les producteurs et les consommateurs». Dans cet entretien, il revient sur les conséquences de la situation dramatique qui prévaut en Egypte, citant, entre autres, les plans d'urgence d'évacuation des expatriés des sociétés de pétrole et de gaz activant au Moyen-Orient et la hausse des prix des matières premières à cause du risque de fermeture du canal de Suez. L'Egypte occupe une position stratégique sur la route du pétrole entre la péninsule arabique et les pays occidentaux. Elle contrôle le canal de Suez et l'oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed). Quel est l'impact d'une éventuelle fermeture du canal sur les prix du pétrole ? Pour mesurer l'impact que pourrait provoquer une éventuelle fermeture du canal de Suez, même pour un temps limité, il faut rappeler que près de 35 000 bateaux transitent annuellement par cet itinéraire, dont pas moins 27 550 sont des pétroliers. L'impact sur l'économie des transports d'abord serait énorme, car obliger tous les transporteurs à contourner l'Afrique pour atteindre l'Europe et le continent américain, donc consacrer plus de temps, plus de charges diverses et faire face à certains dangers spécifiques, c'est chambouler à la hausse les coûts et fret de toutes les cargaisons acheminées. De plus, toutes les programmations d'arrimage, de stationnement, de déchargement, d'organisation des équipages en mer et à terre seraient revues. Sachant aussi que l'oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed) transporte pas moins d'un million de barils/jour, ceci suppose une révision à la hausse des assurances et réassurances couvrant le secteur. Par ailleurs, vu ce que nous venons d'énumérer, toutes ces charges seront greffées sur la cotation des prix des produits et matières premières, y compris le pétrole. D'autre part, en sachant que le canal de Suez constitue la troisième source de devises pour l'Egypte, on comprend aisément toutes les inquiétudes relevées au sein des différentes bourses de par le monde, bien que pour le moment la situation de ce canal soit totalement calme et sous total contrôle des autorités égyptiennes. La révolte égyptienne impactera-t-elle les investissements dans le secteur énergétique au Moyen-Orient ? Cette révolte «populaire» n'est qu'à ses débuts et il est très difficile de prévoir son évolution et surtout ses objectifs économiques de réformes, sociaux et politiques pour entrevoir l'impact réel qu'elle aura provoqué à l'endroit des investissements dans le secteur énergétique du Moyen-Orient. Toutefois, l'agitation que nous avons observée au sein des états-majors de la plupart des grandes sociétés de pétrole et de gaz activant au Moyen-Orient, allant jusqu'à établir des plans d'urgence d'évacuation de leurs expatriés, préjuge de manière indubitable l'effet négatif de cette crise. Pour l'Egypte elle-même, petit pays producteur de 700 000 barils/jour seulement, toutes les sociétés pétrolières, y compris les Russes qui sont pourtant bien habitués à l'Egypte, ont déjà quitté le territoire égyptien. Mais le danger est beaucoup plus important du fait de la présence de la superpuissance militaire israélienne aux frontières, drainant avec elle la comptabilité macabre de ses crimes contre l'humanité. C'est cet aspect militaire israélien avec un retour en force éventuel des Frères musulmans en Egypte, de Hamas et du Hezbollah qui vont mettre en otage de nombreuses analyses géostratégiques, sécuritaires et économiques couvrant la région. Dans cette même région, le régime ancestral du Yémen n'augure pas de bonnes choses ; la pauvreté et le manque de travail vont générer des soubresauts à répétition qui vont sérieusement compliquer la sécurité du canal de la mer Rouge. Le drame du Soudan, la présence des forces françaises à Djibouti, gênante pour les pays voisins, et les autres conflits de la Corne de l'Afrique (conflits ethniques, Amharas, Tigrés, Somalis...) sont autant d'éléments sujets de réflexion et d'inquiétude, si le régime égyptien venait à se métamorphoser dans une équation encore inconnue. Sachant que les prix du baril ont grimpé à 100 dollars, en fin de la semaine dernière, quel est l'impact de la crise égyptienne sur le marché pétrolier dans les prochaines semaines, voire les prochains mois ? En raison de cette crise, la Bourse égyptienne a déjà perdu près de 15 milliards de dollars, la banque centrale a fermé ses services, ainsi que les banques commerciales, les Bourses internationales ont enregistré des pertes pour certains grands titres. Dans une sphère, bien que l'Opep qui contrôle pas moins de 31% de la production mondiale du pétrole a, par la voie de son secrétaire général Abdellah Salem El Badri, essayé de rassurer les grands pays importateurs/consommateurs de pétrole, il faut souligner que le risque de pénurie de pétrole demeure réel, selon les différentes agences spécialisées. Par ailleurs, les inquiétudes exprimées à répétition du secrétaire d'Etat américain, Steven Shu, ont fait remonter le prix du baril de pétrole jusqu'à 100 dollars cette semaine. Il faut donc espérer que la crise égyptienne trouve une rapide solution afin que le monde pétrolier retrouve à son tour sa sérénité et un prix équilibré du prix du baril qui soit acceptable à la fois par les producteurs et les consommateurs. Le baril sera toutefois facturé assez cher durant tout le printemps 2011. Propos recueillis par