La tactique du président égyptien Hosni Moubarak, pour se maintenir au pouvoir en dépit de la grogne de la rue qui, depuis douze jours de protestation, parfois violente, appelle à son départ, semble lui sourire ou du moins jusqu'à maintenant. Ebranlé, certes, mais le raïs tient toujours à son fauteuil du pouvoir alors que plusieurs milliers d'Egyptiens continuaient d'occuper samedi la place Tahrir du Caire, réclamant sa démission. La pression de la rue s'est faite encore plus forte vendredi à travers le territoire égyptien pour une issue de la crise. Le raïs et son camp ne veulent pas partir La démission du camp au pouvoir n'est même pas envisagée ni par le raïs ni par son entourage qui tentent de gagner du temps pour trouver une solution «à leur avantage» et qui les maintiendrait au sommet de la pyramide de l'Etat. Les réformes annoncées et les aménagements portés au gouvernement, tout comme sa déclaration de vouloir partir ne sont qu'une tactique d'avoir à l'usure les manifestants et de faire temporiser la communauté internationale. Le coordonnateur du mouvement 6 Avril, Ahmed Mahir, a qualifié les propos de Moubarak de «promesses en l'air». En dépit de la forte pression de cette dernière, Moubarak tient bon et semble encore tenir même si les puissances mondiales appellent à une transition pacifique, avant de se radicaliser pour demander au raïs de partir. A la recherche de gagner du temps, Moubarak s'est entretenu hier encore avec son Premier ministre Ahmed Chafik et plusieurs autres membres de son cabinet, alors que son vice-président Omar Souleimane devait parallèlement recevoir des personnalités indépendantes qui proposent un règlement de la crise aux termes duquel l'ancien chef des renseignements assumerait les pouvoirs présidentiels au cours d'une période de transition, selon l'un des participants. Néanmoins, des médias internationaux ont révélé que des scénarios sont en préparation au niveau de la Maison-Blanche pour faire partir «dignement» le raïs, tout en assurant la continuité des affaires de l'Etat égyptien, un allié de premier ordre des Etats-Unis dans la région. C'est en ce sens que le président américain, Barak Obama, a demandé à Moubarak, d'écouter les revendications des manifestants. Pour sa part, la chancelière allemande, Angela Merkel, invite les Egyptiens à faire preuve de patience, en soulignant que le changement dans le pays «doit être organisé», à la lumière de sa propre expérience de la réunification allemande. «Il y aura des changements en Egypte, mais ils doivent être construits, pacifiques», déclare-t-elle, en se souvenant de la situation en Allemagne en 1989. «On ne voulait pas attendre un seul jour». Avoir les manifestants à l'usure Cet appel en direction des manifestants égyptiens qui malgré leur détermination commencent à se fatiguer et surtout à prendre peur de l'autre camp pro-Moubarak, à l'origine de plusieurs morts et de blessés, ces derniers jours. C'est aussi une manœuvre dénoncée par plusieurs observateurs alors que les protestataires parlent de milices au service du pouvoir. Les manifestants se sont en effet opposés au départ des véhicules militaires stationnés depuis quelques jours à la place Tahrir. Sur le plan continental, l'Union africaine (UA) a plaidé hier pour le «dialogue» et la recherche d'une «solution consensuelle» en Egypte. l'UA a lancé un appel à toutes les parties concernées pour qu'elles placent l'intérêt de l'Egypte au-dessus de tout autre considération et travaillent «résolument au règlement rapide de la crise actuelle par des moyens exclusivement pacifiques». Cette instance, incapable de résoudre la crise ivoirienne, ne serait pas en mesure de trouver une issue à la crise du pays du Nil. De son côté, le Premier ministre égyptien, Ahmad Chafic, a exclu que la proposition de transfert de pouvoir entre le raïs égyptien et son vice-président, Omar Souleimane, soit «acceptée», comme le souhaiteraient les Etats-Unis. «Plus de 90% des exigences des manifestants ont été satisfaites, par conséquent, ils devraient quitter la place Tahrir», a estimé M. Chafic, tout en soulignant que la transition réclamée par la communauté internationale devrait être un mode «civilisé et courtois». La révolte est celle du peuple Pour sa part, le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a affirmé être prêt à jouer un rôle dans la transition dans le pays. Les Frères musulmans ne veulent pas «que la révolution soit présentée comme une révolution des Frères musulmans, une révolution islamique», explique leur porte-parole Rashad Al Bayoumi, dans un entretien à paraître lundi dans Der Spiegel. «Nous nous maintenons en retrait» lors des manifestations, parce que «c'est un soulèvement du peuple égyptien». De son côté, l'opposant égyptien et prix Nobel de la paix, Mohamed El Baradeï, annonce qu'il souhaite discuter «de préférence bientôt» avec l'état-major de l'armée égyptienne, afin d'organiser «une transition sans effusion de sang», dans un entretien dans le même journal de lundi. Sur le plan régional, l'une des conséquences de cette crise, le report du 3e sommet de l'ASPA (Amérique du Sud - pays arabes) du 16 février à Lima. «Le sommet a été reporté et des discussions sont en cours pour fixer une nouvelle date», a indiqué le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Ben Helli, expliquant que la décision avait été prise en raison de «la situation actuelle en Egypte et dans d'autres pays arabes».