Si on commence à en parler librement aujourd'hui, ce n'est pas parce que le problème est résolu, mais parce que les femmes sont de plus en plus conscientes que la loi du silence ne les avantage pas. Elles sont persuadées que le seul moyen de s'en sortir est de briser justement cette loi sans toutefois aller jusqu'au bout et engager des poursuites judiciaires contre leurs bourreaux. Même une fois engagées, elles sont nombreuses à retirer leur plaintes. 80% des plaintes déposées par les victimes de violences conjugales sont retirées après 24 heures. 78% des certificats délivrés au niveau des services de médecine légale ne sont pas utilisés par les victimes. Dans la plus grande majorité, les agresseurs sont des hommes. Les femmes subissent des violences physiques, les coups en premier lieu, des violences psychologiques et sexuelles. Le cadre conjugal est toujours le plus incriminé. Plus de 200 femmes victimes de viol ou de harcèlement sexuel durant les dix premiers mois de 2010 Selon les dernières statistiques communiquées par Mme Messaoudène, la commissaire principale en charge du Bureau national de la protection de l'enfance, de la délinquance juvénile et de la femme victime de violence, à la direction de la Police judiciaire, plus de 200 femmes ont été victimes de viol ou de harcèlement sexuel durant les dix premiers mois de l'année 2010 à l'échelle nationale avec 33 cas de femmes victimes de violence recensés à Oran en août 2010, contre 6 victimes à Constantine pour la même période. Durant l'année 2009, les femmes ayant subi des violences sur tout le territoire national étaient au nombre de 4409, soit le double du nombre enregistré en 2008 et qui était de 2675. Evidemment, ces chiffres ne reflètent pas la réalité, car la majorité des femmes battues n'ose pas encore franchir le pas. Une enquête financée par l'Unicef et publiée en 2009 fait état d'un pourcentage alarmant dépassant les 67% des femmes qui acceptent les violences conjugales. Ces chiffres ne renvoient pas l'ampleur du drame dans une société qui impose la loi du silence, le simple fait d'aller dénoncer son conjoint faisant perdre à la femme son foyer avec le risque de se retrouver à la rue avec les enfants. Cependant, la violence contre la femme en Algérie demeure parmi les préoccupations majeures des associations et des organisations féministes, qui plaident pour l'élimination de toutes les formes de violence et de discrimination. Côté juridique, maître Brahimi, avocate près la cour de Constantine, affirme que le problème ne se situe pas au niveau de l'arsenal juridique : «le code de procédure pénale prévoit des sanctions sévères en cas de violences avérées (...). Mais le problème se situe au niveau de la victime même qui n'ose pas déposer plainte à cause des traditions et du qu'en-dira-t-on, car le poids est encore trop lourd dans notre société. La femme, cette éternelle soumise, accepte, la mort dans l'âme, tout ce qui peut venir de l'homme, y compris les blessures, les coups et les injures.» La violence conjugale, qu'elle soit verbale ou physique, peut laisser chez la femme qui la subit des blessures psychiques et physiques profondes. Il est clair ainsi que l'information judiciaire ne peut être déclenchée par le procureur de la République qu'une fois la plainte déposée. Mais les femmes sont-elles les seules à subir des violences ? bien qu'elles représentent la majorité écrasante des victimes, un autre phénomène s'installe dans notre société. Il s'agit des hommes victimes de violence conjugale directe ou indirecte. Certains vont dire : «ça existe ça chez nous ?» Eh oui, malheureusement, il n'y a pas de statistiques fiables. L'information ne peut être donnée que par les services de médecine légale qui enregistrent chaque jour les cas de violences. En 2009, environ 25 hommes s'étaient présentés dans les services des urgences du CHU d'Oran suite à des coups donnés par leurs conjointes. Six hommes reçus à l'hôpital Mustapha Pacha d'Alger pour coups et blessures en 2009 A Constantine, le nombre est beaucoup moins important mais révèle quand même de l'existence de ce phénomène. Au niveau de la capitale, six hommes ont été reçus pour coups et blessures au niveau de l'hôpital Mustapha Pacha durant l'année 2009. Plusieurs hommes n'osant pas dénoncer leur «agresseure». ils ont honte et peur d'être la risée de leur entourage et font de fausses déclarations.