Omar Souleimane, le premier vice-président égyptien depuis trente ans, est réapparu sur les écrans télé. Une nouvelle augmentation de salaires en vue ? Il ne faut pas rêver. Le bras droit de Hosni Moubarak est redevenu militaire, souhaitant appliquer strictement les ordres. Trop c'est trop, les millions d'opposants, que la place Tahrir ne peut plus contenir, doivent rentrer chez eux. Par la force s'il le faut ? Quitte à ne pas tenir la promesse faite aux Américains ? Souleimane laissera faire encore, mais viendra ce jour où il devra décider des suites à donner au mouvement de révolte en cours. Si celui-ci pouvait se limiter aux abords de la place de la Libération, la chasse aux opposants serait plus au moins gérable. Mauvaise nouvelle pour Souleimane, la contestation a gagné une dizaine de villes égyptiennes. Même son de mégaphone, le départ de Hosni Moubarak d'abord. Il n'ira nulle part, selon la feuille de route aux mains du patron du renseignement égyptien. Ni en Allemagne afin de suivre une cure prolongée pour l'honneur ni en Italie où Silvio Berlusconi ne sait plus comment étouffer ses scandales sexuels. Et si c'était en France, où le président Moubarak possède une belle demeure dans l'un des quartiers huppés de Paris ? Il ne manquerait plus que ça. Alors que la polémique autour des vacances de MAM en Tunisie continue de provoquer des débats houleux à l'Assemblée nationale française, voici que François Fillon semble avoir été lui aussi séduit par le bling-bling du sarkozysme. Un séjour en Egypte, aux frais du roi, et c'est toute la gauche, le parti socialiste en première ligne de front, qui crie au crime de lèse-majesté. Si un jour Hosni Moubarak devait déposer quelque part ses valises, ce ne serait pas donc au Bourget. Que les millions d'opposants à son régime ne fassent pas semblant de n'avoir pas entendu Omar Souleimane qui répète à tue-tête que le président ne quittera pas le pays, sa résidence est si spacieuse qu'il n'a pas le temps de tourner en rond ou de s'ennuyer. En plus, le poste de président par intérim n'emballe pas Omar Souleimane. Pourtant, les Israéliens sont convaincus qu'il est l'«oiseau rare», le seul capable de tenir les islamistes à carreau et de voler au secours de l'Etat hébreu en cas de gros pépin. Ce, même si le péril vert n'a jamais fait de vagues en Egypte. Mais, il paraît qu'il est tout à fait possible que les millions d'opposants, pour la plupart des laïques, succombent à l'appel du djihad que vient de leur lancer Al Qaïda. Belle perspective que les agitateurs d'épouvantes réservent à la plus vieille civilisation au monde. Les Américains peuvent continuer de tergiverser et les Français peuvent se murer dans leur silence à propos du départ exigé de Moubarak, les Israéliens, eux, sont sûrs de leur choix. La preuve par un câble de WikiLeaks qui nous apprend qu'Omar Souleimane était même prêt à ouvrir la voie à l'armée israélienne pour qu'elle vienne lutter contre la contrebande d'armes dans le Sinaï. Avec une pareille offre, il est vrai que le gouvernement de Tel-Aviv ne pouvait pas dénicher mieux. Souleimane le magnifique mérite toute la confiance d'Israël qui lorgne déjà vers le nouvel Etat du Sud-Soudan et auprès duquel il espère obtenir reconnaissance. D'ici à ce que le Nord-Soudan soit retiré de la liste des pays soutenant le terrorisme et qu'éventuellement le mandat d'arrêt contre Omar El Bachir soit annulé pour l'acceptation par Khartoum des résultats du référendum, Israël verra-t-il son vœu exaucé à propos de l'accession de Souleimane au pouvoir ? Le «chouchou» de Tel-Aviv ne se contentera pas d'un poste d'intérimaire. De tradition, le pouvoir s'exerce en Egypte à la manière de Moubarak.