Le palais royal marocain fait face à une forte contestation à peine voilée et qui pourrait éclater au grand jour le 20 février, date d'une manifestation grandiose lancée sur un site communautaire de la toile. Un site, à l'origine de la révolte en Tunisie et en Egypte. Ces jeunes, plus de 100 000, entendent sortir dans les rues des grandes villes pour protester contre le mal-vivre. Face à cette menace qui pourrait prendre de l'ampleur, le ministre marocain de la Communication et porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri, semble calme et serein. «Nous percevons cela avec énormément de sérénité», avait-il affirmé, lors d'un point de presse. Naciri semble ne pas comprendre ou saisir la portée d'un tel «projet» en disant que les initiateurs de la manifestation ne sont pas antiroyalistes et qu'ils revendiquent plutôt une réforme profonde du système politique marocain et de la place que doit y tenir la monarchie. Par contre, les jeunes Marocains, la force vive du pays, ont perdu confiance dans les hommes politiques, «qui n'agissent que selon leurs intérêts personnels et oublient le peuple et ses préoccupations», comme l'explique l'un des initiateurs dont les propos ont été rapportés par des médias étrangers. Sous le label «Démocratie et liberté maintenant», les groupes comptent s'exprimer publiquement sur leur situation et dénoncer les pratiques des gouverneurs au Maroc. Cet appel à la manifestation a été critiqué par des «opposants» qui, après avoir appelé à une contre-action pour le 6 février, ont dû l'annuler pour certainement peu de mobilisation qu'elle a suscitée. La pression ne se limite pas au monde virtuel de la toile car les politiciens du royaume commencent à s'exprimer sur de possibles troubles au Maroc. Ils se veulent rassurants. Ainsi, l'ambassadeur du Maroc auprès de l'Union européenne a expliqué que le citoyen marocain est immunisé contre des dérives sociales. Il est question pour le pouvoir marocain de liberté d'expression qui «ne dérange aucunement, tant que cela se déroule dans le plein respect des constantes et des intérêts suprêmes et vitaux du pays». Pour sa par, le prince Moulay Hicham, chercheur en sciences politiques à l'université de Stanford (Etats-Unis), parle d'«évolution» au Maroc. Cette évolution s'inscrit dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle, au sens anglo-saxon. C'est-à-dire une monarchie parlementaire, où le roi se retirerait des affaires courantes de l'Etat. Si des observateurs n'écartent pas que c'est là un sujet de débat, d'autres relèvent que le royaume chérifien est rongé par la corruption et oxydé de misère. Ils estiment que le peuple marocain «ne mérite pas d'être maintenu dans la pauvreté et dans la peur par un système hors d'âge», de cette misère rien ne filtre car cachée derrière un voile d'hôtels paradisiaques, de golfs luxuriants. Par ailleurs, le mouvement islamiste qui ne veut pas se faire distancer dans la course vers la révolte et le changement engagé par les jeunes appelle à «un changement démocratique urgent» pour l'établissement «de mécanismes mettant fin à l'autocratie». Face à cette montée du discours de la rue et de l'opposition, le gouvernement se précipite pour apaiser la situation. «Le Maroc s'est engagé depuis longtemps dans un processus irréversible de démocratie et d'ouverture de l'espace des libertés», s'est empressé de dire le ministre marocain de la Communication.