Il fallait s'y attendre. Parce que sa cause était indéfendable que même les puissances alliées du régime libyen n'ont pu renverser la vapeur au Conseil de sécurité de l'Onu. Trop de cadavres pour pouvoir trouver une sortie honorable au Guide de la Jamahiriya. Après des résistances dans les couloirs de la tour de verre, l'heure du vote. 15/15. Pas une abstention et moins encore un veto. Le clan Kadhafi est pris dans la souricière, ses membres n'ont plus aucun autre choix si ce n'est se présenter devant l'«échafaud onusien» en file indienne. D'abord, le gel de tous les avoirs du colonel Mouammar, ceux des membres de sa famille et ceux de ses proches. Le temps des paillettes est de l'histoire ancienne et la soirée payée un million de dollars cash, à Mariah Carey, à Beyonce ou à Usher, est à mettre dans la boîte à souvenirs. Suivra l'interdiction de quitter le territoire libyen, même à dos de chameau, pour le roi dépouillé et les siens, les pays membres des Nations unies sont sommés de donner l'alerte au moindre mouvement suspect des Kadhafi. Ils ne devraient même pas s'aventurer à chercher un refuge, la mésaventure aérienne de la fille du Guide dans le ciel de Malte prouve que la famille est indésirable partout. De toute manière, le père de ses enfants (les Libyens n'en veulent plus) a pris la décision de mourir chez lui. C'est aussi cela l'esprit révolutionnaire par lequel l'ancien maître de Tripoli ne parviendrait plus à sauver son pouvoir totalitaire. Enfin, la saisine du procureur de la Cour pénale internationale de la Haye pour des enquêtes sur le massacre de civils, avec la probabilité d'un jugement pour crimes contre l'humanité. La totale quoi. Drapé dans de sales draps, le Guide libyen consultera-t-il les avocats du président soudanais, Omar El Bachir, dont le dossier a été également soumis à la CPI pour génocide au Darfour ? Le cas de Kadhafi est désespéré, l'idée de scission Est/ouest n'a jamais traversé l'esprit des Libyens. Bien au contraire, l'ancien ministre de la justice, qui a créé un gouvernement de transition à Benghazi, ne conçoit pas autre qu'une Libye unie avec pour capitale éternelle Tripoli. Là où le clan Kadhafi s'apprête à jouer son avant-dernière partition. Plutôt rapides, les sanctions onusiennes vont-elles plier le roi têtu ? S'il s'obstine à ne pas quitter le pouvoir dans l'immédiat, conseil du grand frère d'Amérique, il devra s'attendre à repasser dans le hachoir. Car, force de constater que la radicalisation est en train de gagner l'ensemble du bloc euro-américain. Maintenant que les chancelleries occidentales ferment l'une après l'autre, voici que les Européens préparent déjà des plans d'urgence pour, éventuellement, contrôler l'espace aérien libyen. L'Otan et l'UE se concertent sur ce même thème alors que Navi Pillay, haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, s'est prononcée en faveur d'une intervention internationale. Ah, si Bernard Kouchner pouvait être de la partie. Inévitablement, les Occidentaux devront encore batailler pour obtenir le vote d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité. S'ils présentent un tel projet, Russes et Chinois auront-ils l'occasion de «se racheter» devant le colonel El Kadhafi et lui prouver leur indéfectible soutien ? Plutôt colombe que faucon, le président Obama offrira-t-il au tandem sino-russe cette dernière chance de se rattraper ou foncera-t-il tel un W. Bush à la veille de la marche sur Baghdad ? S'il s'agit d'abord de faire respecter les droits de l'homme, en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Soudan, au Yémen…, c'est aussi une histoire de reconfiguration de l'échiquier mondial. La guerre froide bis ne fait que commencer et nombreuses seront les proies (faciles) qui tomberont pour n'avoir pas pris le soin de se cacher pour mieux mourir.