La détermination des opposants libyens à renverser le guide de la Jamahiriya est aux portes de Tripoli. Alors que les étrangers continuent de fuir en masse la Libye, essentiellement par le port «libéré» de Benghazi, le clan des Kadhafi tente le tout pour le tout face à des manifestants qui progressent petit à petit vers la capitale libyenne. Dans ses faubourgs, mercenaires et comités populaires font ce qu'ils peuvent pour ne serait-ce que freiner la marche des révolutionnaires sur Tripoli. Bien que le Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, ait reconnu que le colonel Kadhafi a fini par perdre le contrôle de la situation, toujours est-il que celui-ci continue de haranguer les fidèles de son régime pour faire barrage à des opposants qui cherchent à le prendre vif ou mort au cœur même de sa forteresse, sise porte El Azizia. D'après des habitants de Tripoli, les fameux comités populaires arment les civils à tour de bras afin qu'ils repoussent les «assauts» des manifestants, qui, eux, avancent les mains nues. Rien de surprenant dans tout ce qui se dit. La veille, à partir de sa «résidence verte», le numéro 1 du régime libyen avait fait savoir qu'il allait ouvrir tous les dépôts d'armes afin de mettre en échec la chute de Tripoli et avec celle de son régime. Sa dernière bataille, l'ensemble du territoire libyen étant tombé aux mains de ses opposants. A commencer par Benghazi, où l'on tente coûte que coûte de s'organiser. Des conseils locaux ont été mis sur pied afin que la situation complexe n'échappe pas aux «substituts» du pouvoir en totale perdition. A présent qu'il n'a plus la mainmise sur «sa» Libye, l'ancien officier libre tentera-t-il le diable pour mener une contre-offensive et reconquérir quarante et un ans de pouvoir qu'il a perdus en une poignée de jours ? Le temps des reconquêtes est bel et bien révolu. Lâché par sa diplomatie – les ambassadeurs libyens au Portugal et en Suède ont remis à leur tour leur démission – le vieux révolutionnaire ne compte plus les défections dans les rangs de son régime. Quant aux grandes puissances occidentales, qui ont fini par admettre que l'horreur en terre libyenne est d'une telle ampleur qu'elle affecterait leurs propres intérêts, elles se relayent pour montrer des vertes et des pas mûres au régime libyen, redevenu fréquentable au lendemain de sa décision de renoncer à son programme nucléaire militaire et d'indemniser les familles des victimes de l'attentat de Lockerbie. Après son silence inquiétant, décrié par les anti-Kadhafi et par les organisations de défense des droits de l'homme libyennes, le gouvernement des Etats-Unis sera le premier à ouvrir le bal des sanctions. Suivra, la semaine, l'Union européenne, qui compte bien effilocher davantage le pouvoir libyen, qui se retrouve isolé comme jamais depuis le début de la révolte à l'Ouest. Quel dernier tour dans le chapeau du guide de la révolution après que Seïf El Islam Kadhafi a démenti une quelconque volonté délibérée du régime libyen de se servir du pétrole (en feu) comme arme de guerre ? Plus aucun, si ce n'est résister à Tripoli, comme tentait de le faire Saddam Hussein à Baghdad, avec armes et boucliers humains. Ce ne serait donc qu'une histoire de temps avant la chute finale ? Il est trop tard pour envisager un retour en arrière, la bataille de Tripoli est déjà engagée.