Au 19e jour de la contestation, la Jamahiriya libyenne n'a jamais été aussi déchirée d'Est en Ouest. D'un côté, le colonel Kadhafi qui aurait envoyé des renforts à la ville de Zaouïa où son armée loyale et ses mercenaires n'auraient pas réussi à écraser une opposition tenace. De l'autre, les adversaires du Guide de la révolution qui continuaient de progresser vers l'Ouest après avoir pris, la veille, Ras Lanouf, un important terminal pétrolier dans le Golfe de Syrte. Ce qui laisse dire à bon nombre d'experts militaires que la bataille en cours reste indécise. Malgré l'alerte orange lancée par Interpol, le clan des retranchés de la porte d'El Azizia ne veut rien céder. Quitte à provoquer de nouveaux carnages, le bombardement d'un dépôt de munitions à Benghazi, pourtant aux mains de l'opposition, a fait près d'une trentaine de morts parmi les civils. Si les sanctions de l'Onu semblent faire mal, la Libye a demandé qu'elles soient levées jusqu'à ce que la vérité soit établie sur les présumés crimes contre l'humanité, le clan des Kadhafi se ferait peu de souci à propos de ses sources financières. Le pétrole rapporte toujours. Malgré les sanctions infligées par l'Onu contre le régime de Mouammar Kadhafi, les autorités libyennes continuent à toucher «des centaines de millions de dollars» en revenus pétroliers, a assuré hier le Financial Times. Assez de quoi rééquiper les mercenaires qui constitueraient 80% des effectifs militaires du colonel Kadhafi ? Car, d'après des sources aux Nations unies, il existerait des pays qui continueraient de violer l'embargo sur les armes que le Conseil de sécurité à imposer à la Libye. Il s'agirait de certains pays africains et de vieilles Républiques soviétiques. Mais ces soutiens illégaux ne sont pas de nature à saper le moral de l'opposition dont le premier conseil national provisoire s'est tenu hier dans un lieu secret. D'après les comptes-rendus de chaînes satellitaires, les opposants au régime seraient en train de progresser sur deux fronts avec pour objectif final : prendre Tripoli en étau par l'Est et par l'Ouest. Alors que les opposants venus de Benghazi et des villes de l'Est se trouveraient aux portes de Syrte, – le ralliement de la tribu des Kadhafi ne serait plus chose impossible – leurs compagnons de front prennent part à des combats qui ont continué, hier, à faire rage à Zaouïa, à une soixantaine de kilomètres de Tripoli. Après l'annonce de la prise de cette ville par les pro-Kadhafi, la télévision officielle libyenne a rectifié le tir du fait avéré que l'opposition a repoussé à maintes reprises des assauts dont le caractère serait plus défensif qu'offensif. Diplomatiquement agonisant, le régime serait-il en train de vivre ses derniers jours sur le plan militaire ? Tenu par les chefs politiques de l'opposition, le Conseil national provisoire rendrait-il publique une déclaration dans laquelle il réitérerait son appel à une intervention militaire étrangère ? Si tel est le cas, les experts militaires n'auraient pas eu tort d'évoquer la bataille indécise aux portes de Tripoli.