Dans la foulée du meeting tenu à la salle Atlas, le premier secrétaire du FFS a insisté hier sur les ondes de la chaîne 3 pour un changement politique pacifique qui passe inéluctablement par la rencontre des populations. M. Tabbou a, toutefois, «esquivé» les questions économiques, considérant que «le vrai problème en Algérie est d'ordre politique». «Le FFS a fait un choix. Devant la situation actuelle, nous avons préféré aller à la rencontre des algériens», a-t-il dit, relevant toutefois que «la rue a changé les choses en Tunisie et en Egypte». Pour lui, il y a un certain nombre de conditions à remplir pour pouvoir espérer un changement. «Il faut d'abord être la force de changement», a-t-il martelé, faisant allusion à la démarche de la CNCD «dont le FFS n'a jamais fait partie», car «ce n'est pas une collection de sigles ou des rencontres de salon qui vont provoquer le changement». Selon Karim Tabbou, ces forces se trouvent en milieu estudiantin, chez les chômeurs qui font des luttes quotidiennes sur le terrain, et au sein de tous ceux qui se battent pour avoir un minimum de dignité et de vie, d'où la démarche du FFS qui a opté pour les meetings et les rencontres de proximité «pour donner la parole aux forces du changement». Pour «ceux qui pensent qu'il y a une épidémie démocratique» au Maghreb, l'invité de la radio a tenu à préciser que «la démocratie, le changement, les libertés sont des processus qui se construisent». «Nous ne sommes pas de ceux qui disent : investissons la rue et on verra après», a-t-il martelé, considérant que ces actions «relèvent de l'irresponsabilité». Les algériens ont envie que ça bouge. Ils ont envie que ça change», a-t-il ajouté, soulignant qu'il va falloir définir la nature du changement à réaliser. «Il y a des gens qui pensent qu'il va simplement falloir appuyer un clan contre un autre clan pour réaliser le changement», note-t-il, expliquant que l'aspiration du FFS, «qui est celle des algériens, est de permettre au peuple d'accéder aux libertés, à une vie décente». Pour y parvenir, «il faut mettre de côté la violence», recommande-t-il. «Aujourd'hui, le pays a besoin d'une transformation politique sérieuse et la responsabilité incombe à la fois au pouvoir, mais aussi à l'opposition, à l'élite…» a-t-il jugé, tout en soulignant qu'il ne s'agit pas de demander le changement, mais de l'opérer «en son sein, d'abord, dans son organisation, au sein de son parti…» Les émeutes, résultat de l'absence de médiation politique Lorsqu'on évoque la responsabilité de l'opposition (y compris celle du FFS) qui n'investit le terrain que conjoncturellement, le premier secrétaire sort un peu de ses gonds, réfutant «l'inertie» du FFS qui «maîtrise ses activités». Il est n'est pas facile, selon lui, d'organiser des meetings en Algérie «où on vous demande de débourser 800 000 DA pour le meeting de la salle Atlas», signalant à ce propos la fermeture des espaces d'expression. Le fait que l'équipe de journalistes de la télévision algérienne ait été chassée de son meeting de vendredi est dû, selon lui, à son traitement médiatique «discriminatoire». Evoquant les émeutes de janvier, Karim Tabbou a estimé qu'elles sont dues à l'absence de médiation politique, rappelant qu'il y avait beaucoup de crises «qui ont créé les conditions de révolte» bien avant l'augmentation des prix à l'origine, dit-on, de ces émeutes. Interrogé sur le projet socioéconomique du FFS, Karim Tabbou est resté évasif et a estimé qu'il faut poser d'abord le vrai problème qui est d'ordre politique. «Il faut des institutions élues démocratiquement, un gouvernement légitime, un parlement qui joue son rôle», s'est-il contenté de répondre. «Vous avez quand même un programme économique au FFS», a insisté la journaliste. Tabbou s'énerve et répond : «Le pouvoir a refusé au peuple algérien d'exister». Sur les dernières mesures économiques du gouvernement, Tabbou a parlé de «menu». Sur le plan régional et international, Tabbou a exprimé la solidarité du FFS «avec les populations au Maghreb et dans d'autres pays qui mènent des luttes pour se libérer des régimes qui ont montré qu'ils sont capables du pire, à l'exemple de Kadhafi». Sur «l'inquiétude» du FFS à propos d'une «imminente» intervention américaine en Libye, Karim Tabbou a affirmé que «les meilleurs alliés des américains sont ces régimes qui ont rendu possible l'intervention», refusant au passage «d'évaluer la politique étrangère américaine». Dans cette conjoncture particulièrement sanglante, favorable à une intervention étrangère, Tabbou préfère «faire confiance à l'opposition libyenne» qui refuse, selon lui, les propositions de médiation. Sur la présence des partis tunisiens et marocains au meeting du FFS, Tabbou considère d'abord que c'est un retour au message de la Révolution de Novembre qui a évoqué le Maghreb démocratique des peuples. Malheureusement, constate-t-il, «après les indépendances, les régimes qui s'y sont installés ont rendu impossible cette communion». À propos du Sahara occidental, Tabbou pense qu'il faut tout faire pour que les négociations sous l'égide des instances internationales entre le Maroc et le front Polisario aboutissent. «Les marocains et les animateurs du front Polisario sont les mieux placés pour définir le contenu des accords et les conditions des négociations», s'est-il contenté de répondre alors qu'il reprochera à l'Etat algérien «son recul remarqué sur la question palestinienne». Quand la journaliste lui rappelle la position constante de l'Algérie, Tabbou estimera qu'il «s'agit juste de slogans».