C'était peut-être la dernière apparition de Mouammar Kadhafi en public. Le vieux révolutionnaire, qui a juré de se battre aux côtés de ses hommes, a fini par déserter les plateaux télé improvisés. Ses partisans n'auront plus droit qu'à des enregistrements audio sur fond de bombardements des coalisés. Les Kadhafi, père et fils, ne ressentiraient même plus le besoin d'ouvrir les dépôts d'armes, des kalachnikovs contre des missiles de croisière, ça ferait ringard, voire ridicule. A moins que le clan tient toujours à son plan de scission Est-Ouest. Car, si les Kadhafistes s'attendent à ce que les alliés de la guerre de Libye posent pied à terre, ils se trompent énormément. On ne change pas une stratégie militaire (air-mer) qui enchaîne les succès. Pas du tout dupes ces Occidentaux qui se laisseraient piquer dans un probable guêpier libyen. Ils ont eu pour leur grade en Afghanistan et en Irak et il n'est pas question de lever le drapeau de l'Otan dans le ciel de la Jamahiriya, les opinions arabes le brûleraient avant d'atteindre le haut du mât. Quant aux Américains, que Kadhafi a promis l'enfer et que Chavez a accusé de vouloir siphonner le pétrole libyen, ils ne tarderont pas à remettre le commandement de la coalition aux mains de l'alliance franco-britannique. Décidément, le président Obama préfère la samba et les pas de «danse démocratique» que les pays arabes sont invités à apprendre au fil du grand changement démocratique. Contre qui se battre donc si les coalisés ne venaient pas au corps-à-corps ? Même plus contre le peuple que les forces loyalistes ne peuvent plus approcher. Non pas du fait que celles-ci respectent à la lettre un cessez-le-feu, purement imaginaire, mais grâce à la résolution du Conseil de sécurité qui autorise les mandatés à user de tous les moyens pour stopper les massacres. Notamment, le recours à la force contre les Kadhafistes si la soif de sang de leurs frères libyens venait à les reprendre quelque part aux portes de Misrata ou à l'entrée de Zenten. Diplomatie de temps de guerre oblige, la Fédération de Russie est remontée au front et a appelé la coalition internationale à cesser de recourir à la force de manière «non sélective» et de faire ainsi des victimes civiles en Libye. Les autorités de Tripoli ont reconnu elles-mêmes que les frappes n'ont fait que 64 morts en deux jours. Combien de civils alors que les bombardements n'ont ciblé que des sites militaires ? Faites vos comptes bien que les guerres sont toutes sales. La Russie n'aurait-elle pas fait mieux d'user de son droit de veto, synonyme de carte blanche pour Kadhafi qui a juré d'aller chercher ses opposants jusque dans les placards ? Il est vrai qu'entre le bilan des frappes de la coalition et celui des massacres de Kadhafi (8000 civils tués), l'abstention a été la moindre des choses. Elle a au moins permis l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne que le Secrétaire général de la Ligue arabe, le présidentiable Amr Moussa, a critiqué à l'aube de l'odyssée. N'a-t-il pas fait le déplacement jusqu'à Paris pour en dire que du bien ? La coalition internationale aurait outrepassé les objectifs de sa mission, l'instauration d'un embargo aérien. Pourtant, nul n'ignorait qu'un tel projet nécessite la destruction au préalable de tous les moyens anti-aériens dont dispose Kadhafi. Amr Moussa est bien placé pour savoir qu'une telle entreprise ne se réalise pas en un coup de baguette magique et que seul l'anéantissement des troupes libyennes au sol stoppera la folie meurtrière de Kadhafi. Finalement, au lendemain de cette polémique naissante, l'Egyptien a tenu à rectifier le tir lors d'une superbe volte-face. Il n'y a pas de désaccord, les coalisés sont autorisés à ouvrir la voie à l'opposition jusqu'à Tripoli. Il faut savoir ce que l'on veut à la fin. Dieu merci, tout le monde est d'accord sur la mort politique du régime de l'introuvable Kadhafi.