Après le Libyen Kadhafi et ses pilules hallucinogènes, voici le Yéménite Ali Saleh et ses drogués. Si l'un et l'autre ne veulent pas lâcher le pouvoir, c'est parce qu'ils se refusent à le remettre à des opposants qui s'adonneraient à la drogue dure ! Seraient-ils à ce point à court d'idées propagandistes pour recourir à cette argumentation d'un autre âge ? Aux abois – le premier ne trouve toujours pas de cadavres de civils pour prouver les présumés dégâts collatéraux de la coalition et le second ne sait plus s'il est victime d'un coup d'Etat ou d'un complot étranger – ils sont en train de perdre complètement pied. Peut-être un peu plus que Bachar Al Assad, le prince pourpre qui, lui, est au tout début de sa propagande télévisuelle antigang. Mieux vaut revenir à des choses plus sérieuses. A en croire les titres de la presse arabe, Kadhafi et Ali Saleh multiplient, chacun de son côté, les contacts pour emprunter les voies de garage réservées aux dirigeants fous amoureux du trône indéboulonnable. Car, avec la confiance en moins, leurs peuples ont fini par divorcer d'eux depuis des lustres. Alors qu'Américains et Britanniques se démènent pour dénicher, dans les jours prochains, une sortie de secours pour le maître contesté de Sanaa, celui de Tripoli compterait sur ses proches pour fuir l'enfer libyen qu'il a imaginé au premier jour de la contestation pacifique à Benghazi. Mais qui pour le tirer de cette sale affaire ? L'union africaine qui a achevé son conclave à Addis Abeba sur une note qui résonne déjà mal à l'oreille de l'opposition libyenne ? Le Conseil national libyen ne demande pas moins que le départ des Kadhafi père et fils. A moins que ceux-là ne soient conviés à choisir un pays d'accueil sur le continent noir. Et si c'était le duo franco-britannique qui est en train d'élaborer une initiative politique pour ne pas perdre le leadership, la Turquie ayant réussi un premier tour de force contre Nicolas Sarkozy, le président qui s'est déclaré ouvertement contre l'adhésion du vieil empire ottoman à l'Union européenne ? Ce ne serait que le début de la «revanche» d'Erdogan, son gouvernement pourrait bien donner son accord pour que l'Otan prenne le contrôle des opérations militaires après avoir été autorisé à gérer la zone d'exclusion aérienne et l'embargo sur les armes. A présent qu'il est clair que la défense européenne commune n'est pas pour demain, l'initiative politique de Nicolas Sarkozy et de David Cameron fera-t-elle du bruit jusqu'à faire oublier les dissensions au sein de la maison Occident ? Le palais de l'Elysée ferait en sorte de médiatiser au maximum la lettre de gratitude que le Conseil national libyen a adressée aux Français, peuple et dirigeants. Preuve que ce sont bien eux les premiers qui ont pris la défense de la vie humaine en Libye à bras-le-corps. Sauf que la question reste posée : qui fera partir Mouammar Kadhafi ? La décision revient en dernier aux Libyens, a dit le président Sarkozy, bien que les vœux de démocratisation soient également partagés par les coalisés. Lâché de partout – l'Allemagne a décidé de renforcer sa présence en Afghanistan afin de soulager l'Otan sur le front libyen – Kadhafi attend-il le moment propice pour s'échapper ? Armer des volontaires, dans l'objectif d'assister à une éventuelle guerre civile, est un signe qui prouve le grand désespoir dans lequel se retrouve généralement un partant. Ce qui ne diffère pas de la grande détresse d'Ali Saleh qui, lui, a bien dit vouloir quitter le pouvoir, sous conditions. Echapper à une traduction devant la CPI ou devant la justice de son pays ? Puisque la démocratisation admet le minimum de morts, le président Saleh bénéficierait d'un traitement semblable à celui de Moubarak et de Ben Ali. Quant à Kadhafi, le procureur de la CPI est convaincu à cent pour cent qu'il a commis des crimes contre l'humanité. Pas de circonstances atténuantes au nom de la libéralisation.