Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a préconisé dernièrement lors de la séance de questions orales au Sénat, l'encouragement de l'épargne pour faire face à l'inflation. Les augmentations salariales accordées aux fonctionnaires risquent de provoquer, selon lui, une hausse des prix des produits de consommation. Pour éviter cette situation, Djoudi compte sur l'épargne des Algériens. La proposition du ministre suscite cependant des interrogations. Dans le contexte financier actuel, caractérisé par la disponibilité de liquidités financières et des taux d'intérêt trop bas (3%), comment comptent faire les banques pour attirer l'épargne ? Les spécialistes en la matière soulignent l'importance de ce projet qui nécessite des efforts et une politique audacieuse. Car les capacités d'absorption des finances algériennes restent limitées étant donné la faiblesse du tissu économique. «Les taux d'intérêts ne sont probablement pas élevés, mais il y a peu d'autres choix de placement. L'immobilier reste une alternative de placement si on arrive encore à trouver des biens qui sont valorisés de façon économiquement justifiable. Le marché boursier et obligataire sont des options de placement, mais il y a encore trop peu de titres accessibles sur le marché. C'est notamment pour cela qu'il est utile de se mettre à l'œuvre pour développer nos marchés financiers et multiplier les produits de placement», a tenu à souligner à ce propos l'expert Lies Kerrar (lire entretien), qui a une longue expérience en matière de placements et d'opérations d'entrée en Bourse. La tâche demeure, selon notre interlocuteur, colossale. Aux yeux du ministre des Finances, les récentes revalorisations des salaires et les rappels qui en découlent pourraient aggraver l'inflation dans les mois à venir. Il est clair, a-t-il expliqué, que cet argent devra permettre l'amélioration du pouvoir d'achat des salariés algériens. Ce qui déclenchera une forte demande sur les produits de consommation, par conséquent une facture d'importation assez importante étant donné la faiblesse de la production locale. Face à cette situation, le ministre avait préconisé deux solutions. La première consiste à orienter une partie de cette masse salariale vers l'épargne. «Mon sentiment est que les ménages algériens vont utiliser ces rappels de salaires, au titre des régimes indemnitaires sur 2008, 2009 et 2010 pour reconstituer leur épargne dans la perspective de bénéficier des diverses formules de soutien au logement par exemple», a-t-il déclaré en marge des travaux du Sénat. La deuxième option proposée par le ministre est celle d'organiser le rythme de versement de ces rappels sur salaires qui doit se fait d'une manière différée. Selon le premier argentier du pays, les banques ont tout intérêt à profiter de cette masse d'argent pour avoir beaucoup plus d'actifs. Les rapports du Fonds monétaire international (FMI) prévoient un taux d'inflation qui dépasserait les 5% au second semestre de l'année 2011. Dans ce contexte, il apparaît clairement, pour l'expert Lies Kerrar, que le développement des marchés financiers afin de fournir des produits d'épargne aux ménages est indispensable. Désintérêt et méfiance à l'égard des banques Toutefois, il y a lieu de souligner que le désintérêt des Algériens vis-à-vis du circuit bancaire ne date pas d'aujourd'hui. Le syndrome d'El Khalifa Bank, la pratique du taux d'intérêt et la couverture bancaire encore limitée sont autant de facteurs qui ne motivent pas l'épargne. Selon certains témoignages, des Algériens ont préféré mettre leur argent dans des comptes courants postaux, afin d'éviter l'intérêt bancaire, interdit en Islam. Dans ce sillage, certains partis d'obédience islamique proposent le développement de la finance islamique. D'autres préfèrent acheter des biens immobiliers, plus rentables que le placement dans les circuits bancaires. Selon la Banque d'Algérie, la situation financière actuelle est marquée par un excès de liquidités au niveau des banques, d'où la pratique de taux d'intérêt bas. A la lumière de ces données, il apparaît que l'encouragement de l'épargne des ménages ne sera pas l'option appropriée pour éviter la hausse de l'inflation. L'économiste Lies Kerrar a estimé qu'il est indispensable de trouver d'autres leviers plus pratique.