Des «mercenaires africains transportés par des avions algériens pour combattre dans les rangs des partisans de Mouammar Kadhafi !» Cette information a circulé comme une traînée de poudre à Benghazi, dès les premiers échanges de tirs entre adversaires et partisans du colonel libyen. Mercenaires algériens ? Une chaîne de télévision arabe et une autre française, la première émargeant au budget du Qatar, une monarchie du Golfe solidaire de toutes les dictatures arabes qui a de vieux comptes à régler avec le guide libyen, et la seconde aux ordres de la France qui préparait son entrée en scène en Libye, ne se feront pas prier de reprendre cette rumeur, croyant tenir là le scoop de l'année. Des semaines après le début de la révolte populaire libyenne, les preuves ne sont toujours pas là, mais la rumeur fait encore son chemin sous diverses formes. Dans les milieux de l'opposition à Benghazi, on croit dur comme fer à ces «câbles» qui ont fait état de la participation d'un pilote algérien aux «bombardements des civils» dans les zones aux mains des rebelles. Pas la moindre preuve sur l'identité de cet officier algérien qui «bombarde» ses frères aux côtés des pilotes «russes et des ukrainiens». C'était avant l'entrée en scène de la coalition. Dimanche, un pas supplémentaire a été fait franchi dans ce ridicule médiatique. Un médecin libyen répondant au nom de Ahmed Inasi croit avoir recensé le cadavre d'un Algérien parmi les onze partisans du colonel Kadhafi décédés au cours des derniers combats à Adjedabia. Comme le ridicule ne tue pas, le médecin avance à l'appui de ses arguments les pièces d'identité du présumé algérien. Concrètement, voilà un «mercenaire» qui porte sur lui les preuves intangibles de son identité et de son pays d'origine, au risque de se faire pendre haut et court si par chance – ou par malheur, c'est selon – il devait tomber vivant entre les mains des rebelles. Pour la simple couleur de leur peau, de pauvres travailleurs immigrés africains dans le désarroi, ont été lynchés ou fusillés sur place par les rebelles au moment où ils tentaient, comme les dizaines de milliers d'étrangers, de fuir le théâtre des opérations. Ces «mercenaires» algériens sont-ils donc stupides à ce point? Les inspirateurs Qui a intérêt à impliquer l'Algérie dans ce conflit ? Qui a inspiré cette campagne destinée à tenir son image par de si graves accusations contre lesquelles un porte-parole du ministère des Affaires étrangères s'est élevé une nouvelle fois, dimanche, rejetant toute implication de l'Algérie dans ce prétendu «envoi de mercenaires» et réitérant son attachement au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays ? Une position juste, cela se vérifie de jour en jour, qui tranche avec le va-t-en guerre intéressé économiquement des puissances occidentales qui jouent l'instabilité dans ce pays pétrolier. Quel est donc le pays le plus suspect de cette insidieuse propagande que la France dont le drapeau flotte, prématurément, à Benghazi où son ambassadeur a pris prématurément, là encore, ses fonctions. C'est la seule puissance qui a le visage le moins net dans cette affaire. Pour à l'origine du projet de Résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant la création d'une zone d'exclusion aérienne en Libye pour, dit-on à Paris, «protéger les populations civiles des bombardements du colonel Kadhafi», la France refuse, à ce jour, de reconnaître ses crimes de guerre en Algérie. La vie d'un Algérien ou d'un arabe, il ne faut pas se leurrer, ne vaut pas grand-chose aux yeux d'un pouvoir politique qui revendique l'héritage génocidaire de son armée. La Ligue arabe, réunie au Caire le mois dernier, avait accepté de parrainé une agression occidentale caractérisée contre un autre pays arabe. Pas l'Algérie, le seul pays avec la Syrie à avoir émis de sérieuses réserves sur cette option militaire. Refus du survol du territoire algérien Paris n'a pas digéré cet affront. Le gouvernement français aurait vainement tenté de convaincre les autorités algériennes d'autoriser, au moins, le survol de son territoire par des avions de la coalition militaire internationale opérant en Libye. Selon une source sécuritaire algérienne, citée récemment par notre confrère Al Khabar et reprise par la presse internationale, «le gouvernement algérien a opposé un refus catégorique à la demande de la France». Alger a même refusé que les avions de combat et les hélicoptères français utilisent les bases aériennes dans le Sud algérien pour la recherche d'un commando des forces spéciales françaises qui s'était perdu dans le grand désert après une opération en Libye. Les pressions par la calomnie vont se multiplier. Dès lors, tous les arguments sont bons pour faire accréditer, par médias aux ordres interposés, la thèse fallacieuse d'une complicité de l'Algérie avec le régime libyen. Or si complicité il y a dans cette affaire libyenne montée de toutes pièces dans certains états-majors spécialisés dans le commerce illicite des armes, elle se trouve parmi les pays – qui d'autres que la France et le Royaume-Uni ?– cherchent désespérément à armer les insurgés. Malgré cela, il faut le rappeler, l'embargo sur les armes à destination des zones de conflit décrété par l'ONU. Paris joue le pourrissement Son objectif étant en faillite en Libye, comme en Côte d'Ivoire où son armée soutient un camp contre un autre, pour mieux faciliter l'enlisement de la guerre civile, Paris a entrepris de jouer le pourrissement de la situation dans le Maghreb et le Sahel pour mieux y prendre pied. A Washington, on est à peu près convaincu que les services secrets français ont joué un rôle-clé dans l'opération d'acheminements d'un lot de missiles SA 7 libyen, tombé aux mains des rebelles, vers le nord du Mali, via le Tchad et le Niger. L'opération aurait servi de contrepartie au paiement des 90 millions d'euros réclamés par les ravisseurs des quatre ressortissants français. C'est le prix que Paris veut faire payer à l'Algérie pour son opposition à son projet d'influence géostratégique dans la région.