Paris menace de revoir «partiellement» l´Accord Schengen qui autorise la libre circulation des personnes à l´intérieur de cet espace européen, difficilement mis en place. Mardi à Rome, Nicolas Sarkozy devra trancher avec Silvio Berlusconi cette grave décision qui plane comme une menace sur l'un des piliers de l´Union européenne – la liberté de circulation des personnes – au même titre que sur la monnaie unique, l´euro, dont les jours sont également comptés. C´est la première grande conséquence d´une situation d´instabilité politique dans une région où la France a sa grande part de responsabilité. L´immigration clandestine, en provenance du Maghreb et de l´Afrique de l´Est, un peu à la manière de la contagion financière grecque qui a déjà franchi les frontières portugaise et irlandaise, ignore elle aussi les frontières des Etats membres de Schengen. Paris a constaté une «faille» dans le système Schengen depuis qu´une bonne partie des 20 000 ressortissants tunisiens, récemment arrivés en Italie, est déjà passée en France où ces «indésirables» en «terre des droits de l´homme» ont un point de chute familial. Ce qui irrite davantage la France, c´est moins ce flux migratoire en soi que le «coup de pouce» de Silvio Berlusconi à ces immigrés, par lequel il a tenu à rappeler à ses pairs, et à sa manière, que son pays ne peut pas accueillir à lui seul non plus «toutes les misères du monde». Expression, ô combien chère à Jacques Chirac, à laquelle Nicolas Sarkozy s´est employé à donner la formule d´ «immigration choisie». Le permis de séjour provisoire délivré par le gouvernement italien aux sans-papiers tunisiens est la «générosité» de trop de Berlusconi que ni Paris, ni Bruxelles, ni Berlin ne peuvent tolérer. Si les choses en restent là mardi, Schengen aura vécu. Pourquoi cette crise dans les relations entre les «27», et pourquoi maintenant ? Les pays du Nord de l´Europe ont toujours fait la sourde oreille aux appels de l´Italie et de l´Espagne qui soutiennent que l´on ne peut avoir une même politique économique, financière, diplomatique et de défense et pas une politique migratoire commune. Les Européens parlent d´une même voix sur les «droits de l´homme», mais quand il s´agit d´en payer le prix juste, ils regardent de trop près la facture. L´Italie comme l´Espagne sont les frontières sud de l´Europe par où entrent le plus d'immigrés clandestins. Dans le cas des 20 000 tunisiens, fait-on remarquer dans certains cercles gouvernementaux italiens, il s´agit de la conséquence de l´instabilité politique et sociale dans le pays de «notre ami Ben Ali», où la main d´un pays comme la France, ancienne puissance coloniale de la région, n´est pas tout à fait étrangère à tous les complots. Cette facture, Silvio Berlusconi n´aura donc fait que l´adresser à son véritable destinataire. La seconde facture, la plus lourde, est à venir. Depuis la Libye. Cette fois, il n´est pas question des conséquences d´une instabilité politique conjoncturelle mais d´une guerre qui s´enlise. La Libye est un pays qui est en train d´être rasé pour être «reconstruit» pour le grand bénéfice des pays de la coalition militaire internationale. Chacun aura son quota de contrats, mais chacun devrait se préparer aussi à recevoir son quota d´immigrés dont le nombre sera multiplié par dix. Kadhafi l´a promis au début du conflit. Il ne fera rien (le pourra-t-il d´ailleurs s´il venait à être délogé ?) pour empêcher les centaines de milliers d´Africains de gagner le vieux continent. Pour le moment, cette opération paraît impossible. Les travailleurs africains ont provisoirement fui la guerre en Libye. En plus, le dispositif de guerre mis en place par la coalition internationale au large de ce pays décourage tout mouvement de patera. De cette menace migratoire majeure qui plane sur l´Europe et ses institutions, il en sera question beaucoup question les prochains jours. A Benghazi, dans les conversations que le président Nicolas Sarkozy aura prochainement avec la rébellion, au même titre que sur le dossier pétrole à bon marché. L´actuel président français n´a pas le temps de remettre ce dossier aux calendes grecques et devra prendre une décision cruciale. Arrêter la coopération en matière de politique migratoire. Il le sait, Marine Le Pen ne s´embarrassera pas le de faire, en cette période d´avant-veille de campagne pour la présidentielle de 2012.