Si le gouvernement Sarkozy devait hériter cette semaine d'un titre, ce serait sûrement : sale temps pour un flic. Un ministre de l'intérieur qui désigne nommément les «expulsables» Roms dans une circulaire, un ministre de l'immigration qui se défend d'avoir été mis au courant avant la circulation de ce document et un Premier ministre qui a cru pouvoir expliquer cette exception française aux Européens, réunis à Bruxelles. Fiasco de bout en bout. La politique de Paris, critiquée par les Nations unies et le Vatican, n'a convaincu personne. Si quand même. Silvio Berlusconi, le Cavaliere qui a volé au secours de Nicolas Sarkozy après que celui-ci ait mis le pied dans une véritable foire d'empoignades. Bruxelles aurait préféré que la bataille, opposant les «seuls au monde» (Sarkozy et Berlusconi) au reste des membres de l'Union européenne au sujet des expulsions massives de Roms, se passe ailleurs tant elle lui rappelle la grave crise politique qu'elle est en train de traverser. Mais tout a ses aléas. La capitale de l'UE se souviendra longtemps de ce sommet où les accrochages ont été violents. On a retenu celui des deux présidents français et bulgare, le second étant directement concerné par l'affaire de renvoi des «gens du voyage». Mais en matière d'échanges agressifs, le plus spectaculaire a été le duel verbal entre le patron de l'Elysée et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. D'après des sources européennes, le clash a eu lieu durant un déjeuner de travail. Bien qu'il ait démenti l'existence de cette brouille, Nicolas Sarkozy a tout de même déclaré : «Si quelqu'un a gardé son calme c'est bien moi». Une fois n'est pas coutume. Bref, les instances de l'UE ont soupçonné Paris de «piétiner» la législation de la communauté des Vingt-sept en matière de circulation des citoyens européens. Ce qui déboucherait sur des poursuites contre la France devant la justice européenne. Mais bien qu'il se soit senti trahi, le Portugais Barroso a décidé d'accorder le bénéfice du doute au gouvernement français. Probablement, jusqu'au prochain sommet européen. D'ici-là, Paris changera-t-il de fusil d'épaule ? A s'en tenir aux déclarations de Nicolas Sarkozy et de ses ministres, les expulsions de Roms vont se poursuivre comme si de rien n'était. Le souverainisme de la France serait-il en train de lui remonter à la tête, l'actuel gouvernement français n'ayant pas trouvé mieux pour «piocher» dans l'électorat de droite, extrémiste et centriste réunis ? Ce, en prévision de la présidentielle de 2012. Quand les Villepenistes et les UMPistes déçus éprouvent un besoin à s'associer et quand la gauche montre ses dents de la mer à la Rochelle, la majorité présidentielle se sentirait-elle si menacée qu'elle se permet tous les coups. Sauf qu'un engagement est un engagement et celui du respect des valeurs européennes est indéniable. Isolée, à la fin d'un sommet à blanc, la Ve République française reverra-t-elle à la baisse son planning de vols charters, histoire de se rabibocher avec ses pairs de l'UE ? Ce qui semble certain, la France de Sarkozy est bien déterminée à occuper l'ensemble des fronts sécuritaires. Quelques heures à peine après l'enlèvement de cinq ressortissants français au Nord du Niger, la piste d'Al Qaïda Maghreb islamique a été évoquée par Bernard Kouchner, son collègue de l'intérieur a fait savoir que la menace terroriste s'est accrue au cours de ces derniers jours et de ces dernières heures. Est-ce le fait de la présence en nombre de Roms ou d'autres étrangers indésirables sur le sol français ? Brice Hortefeux, le ministre qui ne prend jamais de vacances, n'en dira pas plus. Tout ce qu'il sait c'est que cette menace n'est pas imaginaire. Elle est bien réelle. Toutefois, les Français ne doivent pas céder à la panique à moins qu'ils veuillent oublier la controversée réforme des retraites.