Si l'Otan continue de bombarder durant les quarante prochaines années, les Kadhafi ne se rendront pas. Même après le présumé décès du plus jeune membre de la famille lors du dernier raid de la coalition auquel le colonel a échappé ? L'opposition n'a pas semblé croire un mot en tout ce qu'a dit le porte-parole du régime de Tripoli. La victimisation, voici l'arme que le Guide aurait ressortie pour gagner la compassion du monde arabo-musulman. Quant aux coalisés, ils n'ont pas eu vent de cette nouvelle. Certes, il y a eu quatre frappes aériennes, mais elles ont visé des postes de commandement militaires, sis à Bab El Azizia. S'il y a eu des victimes civiles, l'Otan s'en excuse. Aussi, pour la mort non confirmée de Seïf Al Arab ? Sûrement pas, il était l'un des orateurs les plus virulents envers l'Occident. Mort ou vivant, info ou intox, l'Otan déclare ne pas viser des individus. Pourtant, le partant Robert Gates avait bel et bien affirmé que Kadhafi est une cible légitime. Au nom du père, le fils aurait payé de sa vie la crânerie du régime de Tripoli. Aurait-il pu y avoir quelqu'un pour lui sauver la vie ? Le révolutionnaire Mouammar a vu les bombes venir. Il s'était dépêché de demander à la Fédération de Russie de convoquer une session extraordinaire du Conseil de sécurité des Nations unies pour protester contre la tentative de prendre pour cible sa personne et de hauts responsables de son régime. Les autorités de Moscou ont eu le regret d'annoncer à leur allié libyen qu'aucune réunion urgente du Conseil de sécurité n'était prévue. Tout ce que le Kremlin peut faire c'est d'accueillir un haut responsable du régime libyen s'il venait à être envoyé en mission auprès de l'administration russe. Grande a dû être la déception du leader contesté de la Jamahiriya libyenne dont l'isolement est en train de se confirmer alors que l'Occident avait misé sur l'implosion du dernier cercle autour du Guide. Comme Saddam Hussein, continuera-t-il de croire jusqu'à la dernière minute en ses fidèles alliés qui, tout comme le reste des puissances mondiales et régionales, ont leurs propres intérêts à défendre et une part du gâteau à prendre ? A son tour, Bachar Al Assad placerait-il toute sa confiance dans son allié russe qui vient de voter au Conseil des droits de l'homme de l'Onu contre l'ouverture d'une enquête internationale sur les crimes commis contre des manifestants pacifiques en Syrie et dont le nombre aurait dépassé les 500 morts, selon des ONG ? Le Président soudanais, qui se refuse à reconnaître le Sud-Soudan si la ville d'Abyei lui échappe, aurait certainement quelque chose à dire à ce propos. Toutefois, tout laisse croire que le tandem sino-russe passerait le cap de l'abstention. Les Occidentaux le savent, une résolution condamnant avec force le régime de Damas est extrêmement difficile à obtenir. Pour ce qui est de la Libye, Moscou a fait la promesse de voter contre une nouvelle résolution qui permettrait une intervention militaire terrestre. Vote à suivre, la géopolitique renferme aussi de spectaculaires pirouettes diplomatiques. Faudrait-il d'abord que l'Otan formule un texte en ce sens, ce sont plutôt les forces gouvernementales libyennes qui se retrouvent dans une impasse militaire. A l'aube, avant le bombardement durant lequel Seïf Al Arab aurait rendu l'âme, Mouammar Kadhafi, qui a perdu son traditionnel air menaçant, a invité l'Otan à la table de la négociation. Ni l'organisation d'Andres Fogh Rasmussen ni l'opposition libyenne n'ont souhaité se rendre dans son bureau qui d'ailleurs n'existe plus. A la guerre comme à la guerre, le choix de la coalition de se débarrasser du régime de Tripoli, au plus tard dans les quatre mois et au plus tôt dans les quatre jours à venir, est irréversible. La crise sur le Vieux continent oblige les Européens à amortir au plus vite les colossaux investissements militaires. Sauve qui peut.