La mort de Ben Laden est d'abord une victoire politique personnelle pour le président Barack Obama qui vient à peine de s'engager dans la campagne électorale pour un second mandat à la tête de la Maison-Blanche. C'est tant mieux si la disparition du chef d'Al Qaïda pouvait élever davantage la cote dans les sondages du premier président noir des Etats-Unis, ce qui, au moins, éloignera le spectre d´un retour à la tragique expérience de l´ère George Bush pour la sécurité dans le monde ! C´est le président Obama qui a signé l´ordre, «controversé» selon la loi américaine, autorisant l´intervention en territoire étranger de l´unité américaine qui a tué Ben Laden.
Une création de la CIA C´est aussi un soulagement pour les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001. C´est enfin une victoire psychologique certaine pour les partisans de la lutte contre le terrorisme dans le monde, même si la disparition de l´«ennemi public nº1» ne pouvait pas être une fin en soi. Cette victoire, Washington la voulait téméraire, dans le style Rambo, exactement comme l´ont rêvée les Américains moyens : en territoire étranger, dans le secret absolu, se passant du feu vert des autorités pakistanaises supposées «alliées» dans la lutte contre le terrorisme. Voilà pour l´aspect psychologique. Sur le terrain, c´est une autre affaire. Il ne serait pas sans intérêt de rappeler que celui qui était considéré comme l´«ennemi public nº1» est une création américaine. Ben Laden, ce richissime ressortissant saoudien d´origine yéménite devenu le symbole du terrorisme salafiste international, a été recruté et formé dans les années 70 à l´art de la guerre par les experts de la CIA, pour combattre l´invasion de l´Armée rouge soviétique en Afghanistan, alliée du président afghan Najibullah. Ironie de l´histoire, le patron des services de renseignements américains n´était autre que Bush père. C´est également lui qui, une fois devenu vice-président des Etats-Unis sous Ronald Reagan dans les années 80, armera encore Saddam Hussein pour faire la guerre à la révolution islamique iranienne, pour le compte des pays du Golfe qui assurent 40% du pétrole dont les Etats-Unis ont besoin. La suite on la connaît : Bush fils s´emploiera à parachever le travail de Bush père avec l´invasion de l´Afghanistan, puis de l´Irak et la pendaison de Saddam Hussein, faute d´avoir pu arrêter «mort ou vif» le responsable des attentats du 11 septembre 2001.
Ben Laden et Zawahiri : Hadj Moussa, Moussa L'hadj Al Qaïda a, certes, perdu son leader charismatique. Et après ? Inutile de pavoiser, car cette farouche organisation terroriste a déjà son nº 2, l´Egyptien Imam Zawahiri qui dirige la logistique de l´organisation terroriste, donc apte à succéder à Ben Laden dont il était le bras droit. Elle a son nº 3, son nº4 et ainsi de suite, tous des terroristes salafistes aussi virulents et radicaux que le père spirituel. Donc suffisamment déterminés pour chercher à mériter la confiance des branches de l´organisation salafiste qui, comme Aqmi, ont fait allégeance à Al Qaïda. La stratégie de Bush pour venger le 11 septembre a eu le résultat suivant. Les Talibans et Al Qaïda ont implanté leurs bases en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, au Yémen, en Somalie, au Sahel, au Maghreb et jusque dans les pays du sud de l´Europe où elle a des réseaux dormants. Pour imposer sa légitimité au sein de ce mouvement aux multiples tentacules, le prochain leader de Al Qaïda devra soigner sa carte de visite en faisant le «maximum» de dégâts. Le terrain est trop bien préparé à cette fin, depuis le début de l´année 2010, pour des opérations terroristes en vue de récupérer le capital psychologique perdu avec la mort de Ben Laden. Par les pays occidentaux eux-mêmes ! Tapis rouge sous les pieds de Aqmi La disparition de Ben Laden intervient jour pour jour en même temps que l´annonce par les Talibans de l´«offensive du printemps» en Afghanistan. Les Talibans auront sans doute plus de motivation encore pour frapper à Islamabad. Al Qaïda pourrait commencer déjà par revendiquer les attentats de Marrakech sur fond d´intervention militaire occidentale en Libye où Aqmi est en train de se positionner avec d´évidentes complicités de la France qui pilote sur le terrain les opérations militaires. A Benghazi, on est en train de commettre les erreurs de Kaboul des années 70. Les services de renseignements américains, britanniques et français encadrent jusqu´aux salafistes qui ont pris parfois la tête de l´insurrection armée libyenne. Les services français font mieux que leurs collègues américains et britanniques. Des sources «sécuritaires» américaines se demandent, aujourd´hui, s´il n´y a pas eu un coup de pouce des espions français à la dernière opération d´acheminement d´un lot de missiles SA7 vers le nord du Mali, via le Tchad et le Niger, trois pays où ces services ont pignon sur rue. La Libye et le paiement des rançons Les Américains ont déjà averti au début de l´année leurs alliés européens qui, comme la France et l´Espagne, ont «négocié», en 2010, au prix fort, la libération de leurs ressortissants aux mains de Aqmi dans le Sahel. Paris et Madrid ont mis le paquet : 5 millions d´euros par tête et des pressions sur Bamako et Nouakchott pour la remise en liberté de prisonniers membres de cette organisation terroriste. Aqmi a pu réunir depuis 2003 la somme de 50 millions d´euros pour acheter des armes pour ses groupes qui opèrent dans le nord de l´Algérie. Le versement des rançons sera, sans doute, au centre des entretiens que le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, aura, aujourd´hui à Washington, avec son homologue américaine Hillary Clinton. Un projet de résolution des Nations unies, préparé à l´initiative de l´Algérie, a vec le soutien des Etats-Unis, visant à criminaliser ces comportements qui renforcent les bases de Aqmi, affiliée à Ben Laden, attend de voir le jour. En attendant, avec le paiement des rançons au Sahel et la poursuite de la guerre en Libye, Aqmi a encore de beaux jours devant elle dans la région.