Jeux de mains, jeux de vilains. Lors d'un débat sur la situation des détenus de Guantanamo, des députés sunnites et chiites se sont battus à coups de poing dans les travers du parlement koweïtien. Signe de bonne santé de la démocratie dans ce pays du Golfe ? L'art du verbe tranchant finirait bien par mettre un terme à la violence du geste. Pas la peine de trop en faire, de pareilles scènes désolantes ont été vues un peu partout. Les parlementaires koweïtiens ne sont pas des amateurs invétérés de ring. La preuve, sur les 50 députés que compte le Majliss, la moitié vient de proposer une initiative qui montre combien les pays du Golfe sont attachés au projet de démocratisation que leurs alliés occidentaux tentent d'étendre aux quatre coins du monde arabo-musulman : expulser l'ambassadeur de Syrie en poste à Koweït City et rompre les relations avec Damas. Ce, au moment où Washington se dit prêt à imposer de nouvelles sanctions au régime de Bachar Al Assad et où la France croit savoir qu'un consensus est en train de gagner du terrain au Conseil de sécurité de l'Onu face à la menace classique de veto du couple sino-russe. A présent que l'offre de dialogue national n'a convaincu personne, le jeune héritier du trône alaouite sortira-t-il de son silence pour accuser le Koweït d'être à la solde des Occidentaux ? Avant lui, le président yéménite n'avait-il pas tiré à boulets rouges sur l'émirat du Qatar, l'accusant d'aider à la déstabilisation de son pouvoir absolutiste à Sanaa ? Depuis, les autorités de Doha ont choisi de se retirer de la médiation du Conseil de coopération des pays du Golfe. Ce qui n'a pas empêché Ali Saleh de continuer de souffler le chaud et le froid, 100 jours de révolte n'ont pas encore eu raison de son «entêtement présidentiel». Mais il pourrait bien décider de partir dans les jours qui viennent, histoire de bénéficier d'une immunité judiciaire. Surtout que Mouammar Kadhafi est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI, Bachar Al Assad pourrait écoper de la même sanction alors que l'armée égyptienne a réfuté toute idée d'amnistie pour les Moubarak. Al Assad fils doit absolument changer de ligne de conduite. Dixit Mme Clinton qui ne croit pas un mot de tout ce que dit le régime de Damas à propos de ces présumées «bandes terroristes» qu'il combattrait à Deraa et Homs. Aux yeux de la patronne du Département d'Etat, il s'agit ni plus ni moins d'une large aspiration du peuple syrien à la démocratie. En visite au Koweït, le chef de la diplomatie iranienne va-t-il appeler ses hôtes à éviter la rupture avec la Syrie, son fidèle allié régional ? La prochaine sur la liste, la République islamique d'Iran choisirait de ne pas aller à la confrontation face aux pays du Golfe. La récente expulsion d'un diplomate iranien du Bahreïn, soupçonné d'appartenir à un réseau d'espions au Koweït, a démontré à quel point les gouvernements sunnites de la péninsule arabique étaient prêts à prêter main-forte à l'Occident dans l'imposition de son grand projet de démocratisation. D'autant qu'il correspond parfaitement au désir de ces mêmes gouvernements de ne pas ouvrir grande la voie à la domination de l'Iran chiite. Ainsi, le prolongement du printemps arabe, dans sa version proche-orientale, serait tout à fait contraire aux intérêts de la République islamique d'Iran, au sommet de laquelle le président Ahmadinejad nous apprend finalement qu'il n'a jamais eu le moindre différend avec le guide suprême. Solidarité oblige quand l'Occident menace violemment la Syrie, cherche à maintenir une base militaire permanente en Irak et peut compter sur ses alliés du Golfe et la Turquie sunnite, seul pays musulman à l'Otan. Décidément, la démocratisation passera aussi par la victoire des anti-chiites.