Les révélations de Wikileaks qui ont tenu le monde des médias en haleine et passionné l´opinion publique internationale comportent apparemment tous les ingrédients d´une campagne bien orchestrée par le Département d´Etat, avec un début et une fin de scénario. Un début et une fin de mission pour Wikileaks ou peut-être pour marquer une pause. Tout le monde se demande, aujourd´hui, s´il n´y a pas eu manipulation dans cette affaire des câbles du Département d´Etat. Ou plus concrètement si la CIA n´est pas derrière ce qui tend à se confirmer désormais comme des «fuites organisées». Pourquoi d´emblée un flot de câbles chaque fois plus spectaculaires et pourquoi soudainement un silence qui autorise toutes ces interrogations autour du rôle exact ou de la mission dévolue à Wikileaks ? Ce site a-t-il été manipulé par le Pentagone à des fins que tout le monde peut deviner aujourd'hui que le monde arabe est entré durablement dans une phase de «changements démocratiques» ? Un changement dans le sens des intérêts exclusifs des Américains en particulier et des pays occidentaux en général ? Pourquoi, curieusement, c´est au moment où le monde arabe est à feu et à sang que la machine à informer du secret des dieux s´arrête de fonctionner ? D´informer sur les dessous de ce plan de déstabilisation qui n´a pas tourné dans le sens voulu au départ. La Tunisie n´est pas plus stable que démocratique et l´Egypte pas davantage la frontière de sécurité d´Israël. Tout porte à croire que les aspirations des peuples arabes à la liberté et à la juste répartition de la richesse nationale ne cadrent pas exactement avec les objectifs du Grand Moyen-Orient imaginé pour servir les nouveaux desseins géostratégiques de l´Occident. Aujourd´hui, l´hypothèse des «fuites organisées» fait son chemin et presque plus personne ne croit au haut fait du journalisme professionnel qui espionne les espions. La CIA aurait selon toute vraisemblance «autorisé» l´accès à une partie de son fichier pour divulguer, via Wikileaks, des informations confidentielles à la demande et en fonction des tâches prioritaires du moment. Le processus de changement démocratique devait commencer au Maghreb, en Tunisie puis en Egypte et en Libye. Dans un climat pacifique. Dans le cas de la Tunisie et de l´Egypte, le scénario semble avoir bien fonctionné. Cet exemple devait s´étendre, à terme, une fois le nord de l´Afrique «démocratisé» ou «refaçonné», aux pays qui constituent une menace pour la sécurité d´Israël. La Syrie et l´Iran. Il se trouve que ce plan n´a fonctionné qu´en partie puisque la situation qui prévaut en Syrie devient chaque jour plus dangereuse encore pour Israël, bien sûr, mais aussi pour les «alliés» du Golfe. Sur ces monarchies corrompues mais toujours alliées privilégiées des Etats-Unis, Wikileaks n´a rien révélé. Cette source s´est-elle soudainement tarie précisément au moment où la contagion démocratique gagnait cette riche région pétrolière où les puissances occidentales réalisent leurs meilleures affaires ? Rien donc sur les soulèvements populaires en Arabie saoudite que Washington et ses amis n´ont pas encouragé, pas grand-chose sur la répression de la révolte chiite à Bahreïn et plus aucune nouvelle de la colonne de chars des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui a emprunté le pont de 28 km en mer d´Al Khobar pour sauver la dynastie sunnite de Manama. On commence à mieux comprendre le rôle de ce site avec la tournure que prennent les événements dans le monde arabe, dans cette période marquée par la guerre en Libye et à l´entrée de la Syrie et du Yémen dans une phase de déstabilisation que même les analystes du Pentagone n´ont sans doute pas imaginée. Wikileaks aura tout compte fait donné l´illusion à la presse à grand tirage qui croyait, en toute bonne ou mauvaise foi, avoir mis la main chaque fois sur le scandale politique de l´année, parfois sur le scoop du siècle. De quoi donner des insomnies aux dictateurs qui avaient eu jusque-là la bénédiction du monde libre auxquels les Etats-Unis ont signifié la fin de mission.