Dans le but de tester le niveau de connaissances et attitudes concernant le VIH/sida en milieu estudiantin, l'unité sida au CHU de Constantine dirigée par le Pr Abdenour Djamel Eddine a effectué deux enquêtes. Une première touchant les étudiants en 4e année de médecine, secondée par une autre étude qui a concerné des jeunes universitaires, des lycéens et des collégiens à travers la wilaya, et qui vient d'être bouclée. Les résultats sont plus qu'édifiants. L'échantillon pris pour la première étude comptait 488 étudiants de quatrième année en médecine de la faculté de Constantine qui ont répondu au questionnaire. Le sondage a été effectué avant le cours sur le VIH et dénote par conséquent de l'état des connaissances de base en rapport avec l'impact des campagnes de sensibilisation et le désir de l'étudiant de se documenter sur le sujet. Selon le Pr Djamel Eddine Abdenour, chef de l'unité sida au CHU de Constantine, «l'étudiant en médecine est censé être plus curieux des questions relatives à la santé». Le questionnaire repose sur des questions simples portant sur les connaissances et attitudes et présage des conduites de stigmatisation et de discrimination vis-à-vis des personnes séropositives. Ils sont 47 sur 480, soit 10%, à penser encore que seuls les toxicomanes et les homosexuels peuvent attraper le sida. 12% estiment qu'une personne peut devenir séropositive en mangeant et en buvant avec un sujet malade. 28% pensent qu'ils peuvent devenir séropositifs après avoir été piqués par un moustique, 5% juste en travaillant ou en allant dans un lycée avec un séropositif et 7% en utilisant le même téléphone. 56% en donnant son sang ! (ce qui risque de freiner le don du sang). A une question sur l'apparente bonne santé des personnes séropositives, 23% des étudiants, soit près du quart, pensent que non, ce qui dénote de leur ignorance sur le sujet et de leur manque de sensibilisation. Quant aux voies de transmission, et bien que le sang et le sperme figurent en tête des réponses avec 99 et 92%, ils sont 27,6% tout de même à croire que le sida se transmet par la salive, 7,6% par la sueur; 10,5% par les larmes et 8,2% par l'urine. Un séropositif peut transmettre le sida en allant à la piscine ! A la question par quels moyens un séropositif peut transmettre le sida, 45% ont répondu en donnant son sang, 31,7% par un baiser; 7,6% en donnant ses vêtements, 10,3% par la toux ; 8,8% par l'éternuement et 17,8% en allant à la piscine ou en partageant ses repas. Sur la probabilité qu'une femme séropositive transmette dans 100% des cas le virus à son enfant, 72% pensent que c'est vrai alors qu'au niveau du CHU de Constantine toutes les naissances de bébés de mamans séropositives ont été séronégatives. A ce sujet, le professeur Abdenour a expliqué que «les accouchements sont bien maîtrisés à Constantine où nous avons des équipes bien rodées. On a des nouveau-nés séronégatifs». Depuis 2010, une dizaine d'accouchements ont été enregistrés et les naissances sont toutes séronégatives. «Le risque de contamination a chuté de 40% à 0,9% car les femmes sont suivies et traitées durant leur grossesse.» Abordant le sujet du préservatif comme moyen très efficace pour prévenir la contamination par le virus du sida, ils étaient 25,3%, soit le quart des étudiants, à penser que c'est faux. Les étudiants interrogés sont aujourd'hui médecins résidents ! 160 sur 446 des étudiants soit 35,9% pensent que les moustiques font courir un risque important de contamination par le sida dans les pays chauds et 19,3% de ces étudiants, qui sont actuellement résidents, pensent qu'un enfant séropositif qui va à l'école fait courir un grand danger d'infection à ses camarades ! Le constat est de plus en plus significatif si l'on considère que les étudiants en médecine qui ont répondu au questionnaire et qui étaient alors en formation sont actuellement des résidents. Face à ces résultats, plusieurs interrogations surgissent. Faut-il remettre en cause la formation de ces futurs médecins ou s'agit-il tout simplement d'un manque de sensibilisation sur la maladie malgré tout ce qui a été fait ? En tout cas, face à cette ignorance, les malades sont soumis à une grande discrimination de la part de la société et même du personnel médical. Le Pr Abdenour avoue que «beaucoup de médecins refusent de prendre en charge les malades, notamment en dentaire et en chirurgie générale malgré la directive du ministre de la Santé appuyée dernièrement par une circulaire adressée à toutes les structures sanitaires».
Parmi les jeunes, la situation n'est pas meilleure La seconde enquête qui vient d'être bouclée par le même service a concerné 3796 sujets à travers des établissements ciblés tels que les cités universitaires, les maisons de jeunes, les lycées et les CEM. Deux évaluations ont été faites. La première pré-test et la seconde après un programme de sensibilisation soit post-test. Concernant l'existence d'un test de dépistage qui permet de savoir si un sujet est infecté ou non, 93% des jeunes le savaient. Une personne séropositive paraît généralement en bonne santé, 42% ont répondu faux en premier lieu et se sont rétractés après un cours de sensibilisation pour ne pas dépasser les 15%. La question relative au don du sang pose sérieusement problème, car ils sont 46% à penser que le fait de donner et non pas de recevoir du sang est un facteur de risque. 13% des jeunes interrogés croient qu'un sujet peut être infecté en embrassant une personne séropositive et en post-test, ils ne sont que 12% qui continuent à l'affirmer. Pour un sujet qui peut devenir séropositif par la piqûre d'un moustique, 39% des jeunes le croient et ils sont 17% à penser que le fait d'utiliser le même téléphone rend séropositif. La sensibilisation et le rôle de la société civile Le Pr Abdenour, en commentant ces résultats, a été formel quant au rôle que doivent jouer la société civile, les associations de malades et la sensibilisation, car selon lui «si la population n'est pas sensibilisée, l'épidémie risque de se propager». Il y a actuellement plus de 11 000 séropositifs qui ne le savent pas. «Les malades vivent le calvaire dans notre société, qui les rejette et la sensibilisation reste le seul remède car l'ignorance génère la peur et la peur génère le rejet», a-t-il précisé. Il faut savoir que l'Etat a mis les moyens matériels pour prendre en charge les malades qui coûtent chacun 192 millions de centimes par mois. Le traitement en Algérie est un acquis mais l'épidémie et la sensibilisation sont l'affaire de tous.