Malgré l'adhésion populaire, les résultats du référendum sur le projet de révision constitutionnelle au Maroc n'ont pas donné lieu à des scènes de liesse attendues en pareille circonstance. Loin s'en faut ! La morosité semble avoir vite repris ses quartiers et chacun s'est retranché dans son camp. «Plus de 98% de Marocains ont voté oui après le dépouillement de 94% des urnes». Cette déclaration du ministre marocain de l'Intérieur, Taib Cherkaoui n'aura réussi qu'à arracher quelques sourires ironiques des journalistes présents à la conférence de presse qu'il a tenue tard dans la nuit de vendredi à samedi. Malgré une longue attente et le fait que les bureaux de vote aient fermé leurs portes à 19h, les résultats avancés par le ministre étaient encore partiels. Les résultats définitifs seront rendus publics aujourd'hui ou demain.s Quoi qu'il en soit, M. Cherkaoui a indiqué que le taux de participation avait atteint 72,65% des inscrits en précisant que les jeunes de moins de 35 ans représentaient, à eux seuls, 30% des votants. Le ministre a estimé que «le référendum s'est déroulé dans un climat serein et qu'il répondait aux aspirations du peuple marocain». Il remerciera, en outre, le Conseil national des droits de l'homme (CNDH, un organisme officiel) qui a supervisé le scrutin à travers 136 observateurs marocains appartenant à la société civile. Par ailleurs, un responsable du ministère de la communication avait révélé durant la journée que plus de 400 journalistes étrangers avaient été accrédités. Dans la nouvelle constitution, le monarque reste en effet le chef des armées et devient officiellement le «commandeur des croyants». Il conserve également son pouvoir de nomination sur les postes stratégiques, comme ceux des gouverneurs des provinces. Le nouveau texte prévoit que le premier ministre, issu du parti vainqueur aux élections, pourra dissoudre la chambre des représentants. Un pouvoir qui était jusque-là réservé au roi. Le chef du gouvernement pourra également proposer et démettre les membres de son cabinet. Le Parlement verrait ses pouvoirs renforcés en matière d'enquête sur des responsables et de motion de censure contre les ministres. Mohammed VI conservera toutefois l'essentiel de ses prérogatives c'est-à- dire une prééminence politique et religieuse sur son royaume. A signaler que le roi Mohammed VI, accompagné de son frère cadet Moulay Rachid a voté dans la journée de vendredi à Rabat non loin du palais royal. Il ne fera aucune déclaration. Pour Karim Tazi, un homme d'affaires casablancais proche du mouvement de contestation générale lancé le 20 février dernier et qui appelle à manifester aujourd'hui dans tout le royaume pour dénoncer les résultats du scrutin : «on ne peut épiloguer à l'infini sur la crédibilité du taux de participation. Au-delà du caractère ubuesque de la campagne makhzénienne pour le "oui", le caractère expéditif et bâclé des processus de rédaction et d'approbation de cette constitution, il n'en reste pas moins que faute de l'approuver massivement, les marocains ne se sont pas mobilisés pour la rejeter et l'ont donc accepté. Il faut maintenant jouer fairplay et faire avec !» Bref, de ses propos transparaît un fatalisme très propre aux peuples de la région. Correspondance particulière