Les prisons algériennes sont peuplées par 55.000 détenus. Plus de 11% de ces détenus sont en détention provisoire. Ce taux est considéré comme excessif par les spécialistes, avocats et défenseurs des droits de l'homme. Jeudi dernier, sur les ondes de la Radio nationale, Chaîne II, c'est le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), Maître Farouk Ksentini, qui a relevé cet excès dans le recours à la détention préventive. Le directeur général de l'administration pénitentiaire, Mokhtar Felioune, situe le taux de prisonniers algériens dans le cadre de cette mesure à 11,5%. «Les textes de loi sont clairs en ce qui concerne la détention préventive qui est appliquée dans des cas exceptionnels. Malheureusement, il est devenu fréquent que des personnes impliquées dans une affaire pénale soient mises en détention préventive», a souligné Me Ksentini. Ce dernier déplore le fait que cette mesure est appliquée même pour les délits mineurs. Or, il a affirmé que le recours excessif à cette mesure n'est pas conforme à la loi qui privilégie la présomption d'innocence afin de préserver la liberté individuelle des accusés. Selon lui, la détention préventive est «requise dans les affaires criminelles où l'inculpé représente véritablement un danger pour la société». Maître Ksentini a plaidé, à cet égard, pour un traitement «rationnel» de la question de la détention préventive. En vérité, Maître Ksentini ne fait qu'aligner sa position sur celle des défenseurs des droits de l'homme. L'avocate Sadat Fetta, militante à la section algérienne d'Amnesty International, a estimé, dans une interview qu'elle nous a accordée le 13 décembre de l'année en cours, que la détention provisoire est une mesure abusive. Or, elle a expliqué que dans le Code de procédure pénale algérien, c'est une mesure exceptionnelle. «Le principe, qui est la liberté avant le jugement, est devenu l'exception et le placement sous mandat de dépôt, qui est l'exception, est devenu la règle», a-t-elle insinué. Les déclarations de Ksentini confortent, en outre, le dernier rapport de sa commission sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Dans ce rapport, il est dénoncé les conditions de détention préventive et les violations en matière de garde à vue. La Commission nationale a souligné que «les personnes placées en garde à vue subissent parfois des sévices et autres brutalités et sont soumises à de fortes pressions psychologiques n'ayant aucun rapport avec les faits qui leur sont reprochés. Leurs droits, tels que prévus par le Code de procédure pénale, ne sont pas respectés». Dans son réquisitoire, la Cncppdh a révélé que les interrogatoires sont menés parfois par des subalternes n'ayant aucune qualité ni formation, qui ont tendance à user de la manière forte, qui violent l'intégrité physique de la personne gardée à vue, au mépris du respect de la personne humaine. Selon le même rapport, les cellules de garde à vue souffrent d'un sérieux problème d'hygiène. Pour pallier cette situation, la commission en question a suggéré la mise en place, au niveau des services de la Police judiciaire (PJ) d'une cellule auprès du directeur en charge de la PJ dont la mission est de contrôler les lieux de la garde à vue et de veiller à ce que les droits de la personne gardée soient respectés. Elle a également recommandé l'amendement, la modification des articles 51 et 53 du Code de procédure pénale dans l'objectif d'instituer effectivement de véritables droits à la personne gardée à vue. Sur un autre plan, le président de la Cncppdh a exprimé, toujours à la Radio nationale, Chaîne II, son opposition à la criminalisation des harraga préconisant, en lieu et place, une amende en guise de sanction. Il a salué, à ce propos, la décision rendue dernièrement par le tribunal de Annaba concernant un groupe de jeunes harraga qui ont été condamnés à une amende, estimant que la prison n'est nullement la solution pour résoudre ce phénomène.