Les dizaines de bouquinistes qui étalaient leurs livres et romans sur les trottoirs de la ville des Genêts n'existent plus depuis le mois de juin dernier. Ils ont été, comme tout le monde le sait, victimes eux aussi du programme de lutte contre l'informel des services de sécurité qui ont décidé d'en finir avec les vendeurs à la sauvette qui gangrenaient la capitale du Djurdjura. Naguère, les bouquinistes vendaient des ouvrages et des romans à des prix raisonnables et parfois symboliques. Malheureusement on ne les voit plus aujourd'hui à Tizi Ouzou. Ils risquent de disparaître à jamais. «La décision des services de sécurité de nettoyer la ville était plus que salutaire, mais il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même sac. Les bouquinistes devaient être épargnés par cette opération. J'achetais des ouvrages et des romans chez les bouquinistes à des prix qui ne dépassaient pas les 100 ou 200 DA pour un livre de qualité, mais malheureusement ce n'est plus le cas aujourd'hui, alors que des livres de mauvaise qualité coûtent plus de 1000 DA dans les librairies», regrette Samira une étudiante en biologie de l'université de Tizi Ouzou et une passionnée de lecture. Les bouquinistes de la ville de Tizi Ouzou étaient installés généralement devant l'université Mouloud Mammeri et devant le CHU, à la rue Ahmed Lamali. Le plus ancien et le plus connu ici était certainement celui qui ne quittait jamais son coin à la rue de la paix. «Que représente comme danger un vendeur de livres ?», s'interroge Ammi Ali qui a été chassé par les policiers. «Je vendais des livres, des dictionnaires, des magazines et des annales de tous genres et à des prix plus que raisonnables, et ce, depuis le début des années 1990, après ma retraite. Ce n'est pas juste de nous interdire de vendre des livres alors que l'on tolère la vente de cigarettes», dira avec amertume cet ancien bouquiniste. Ce dernier précise encore que les jeunes générations s'intéressent à la lecture. «Ceux qui disent que nos jeunes ne lisent pas se trompent énormément. Je vends chaque jour plus de 50 livres et l'âge de la majorité de mes clients ne dépasse pas la trentaine. Je connais des étudiantes et des étudiants qui lisent plus de 6 romans par mois». Parmi les livres les plus demandés par les lecteurs, selon notre interlocuteur, les romans d'auteurs maghrébins et les romans policiers. «Moi je dévore les livres mais je n'aime pas les bibliothèques. Quand je lis un roman je préfère le garder pour moi. J'espère que les autorités locales tolèreront la vente de bouquins. Au lieu de les interdire, au contraire il faut encourager ce genre de commerce», nous dira un enseignant du secondaire de la ville de Tizi Ouzou. Les bouquinistes, qui voient en cette activité beaucoup plus une passion qu'une activité commerciale, espèrent reprendre leur activité.