Quel que soit le sort qui sera réservé à l'initiative du président Mahmoud Abbas de faire accepter la Palestine comme 194e Etat membre de l'ONU, les Etats-Unis seront les grands perdants dans cette affaire. Les Palestiniens, eux, n'ont plus rien à perdre. Les gouvernements occidentaux qui sont à un degré ou un autre favorables au veto américain laisseront, eux aussi, des plumes. A l'exception des pays scandinaves qui sont honnêtement sensibles à la cause palestinienne, pratiquement le reste des pays de l'Union européenne n'a que des intérêts propres à préserver avec le monde arabe. C'est plus par nécessité politique au lendemain de sa visite triomphale en Libye et non par conviction de la justesse de la démarche diplomatique désespérée du président Mahmoud Abbas que Nicolas Sarkozy a proposé, à l'ouverture des travaux de l'AG de l'ONU de couper la poire en deux. L'octroi du statut d'observateur à l'Etat de Palestine dans un premier temps. Cette initiative sera suivie de l'adoption d'un «calendrier portant sur la reprise des négociations entre les Israéliens et les Palestiniens en vue d'un accord de paix dans une année». Ce n'est pas dans cette déclaration faite sous la pression des événements sur fond de «Printemps arabe» qu'il faut chercher la position des Occidentaux. La meilleure réponse de l'inclinaison occidentale pour les thèses de Benyamin Netanyahu sur la création de l'Etat palestinien est venue jeudi du Palais du Bourbon où l'Assemblée nationale française renvoyait les aspects d'un meeting sur «la sécurité d'Israël». En tête Edith Cresson, juive avant d'être ex-Premier ministre de François Mitterrand et des députés de droite et de gauche qui font partie du lobby sioniste. Ce lobby a fait pression sur Barack Obama qui a fait le grand écart en quelques semaines en appelant Israël à un retour aux frontières de l'armistice de 1947, et dénoncé le «raccourci» que Abou Mazen veut emprunter, à ses yeux, pour faire rentrer l'Etat palestinien à l'ONU. A Madrid le Parti Populaire qui accèdera au pouvoir en novembre a assisté au complet, jeudi, au «meeting» organisé par le leader de la communauté juive en Espagne contre la création de l'Etat palestinien. «Israël est un Etat occidental qui doit de fait être membre de l'Alliance atlantique» ! Cette sentence de l'ex-président José Maria Aznar explique pourquoi les pays occidentaux ont laissé sur le bord de la route l'Etat palestinien près de 65 ans après avoir ouvert grandes à l'Etat théocratique juif la voie conduisant à l'ONU. L'objectif de Abou Mazen Abou Mazen n'est pas dupe. Il n'ignore pas que l'Occident est l'ami d'Israël, pour ne pas dire, sans faire dans la paranoïa, l'ennemi des Palestiniens, des Arabes et des Musulmans. Il a donc joué le tout «bras de fer» diplomatique sachant que les partisans d'Israël dévoileront clairement leur jeu devant l'opinion arabe. Les chefs de la diplomatie européens en savaient plus sur quel pied danser, hier, à New York. A leur collègue israélien Avigdor Lieberman, ils avaient expliqué, la veille, leur «position commune» - fictive - sur l'initiative que le président Mahmoud et l'ont informé de «l'attachement de l'Union européenne à la reprise des négociations israélo-palestiniennes». Devant le ministre palestinien des Affaires étrangères, Riad Al Maliki, ils ont plaidé aussi pour la «la reprise du dialogue israélo-palestinien, sur la base de la solution de deux Etats, afin, disent-ils, que la reconnaissance internationale de l'Etat de Palestine puisse avoir des effets pratiques et concrets». Des frontières fixées par Israël Dans les deux cas, Américains et Européens omettent volontairement de dire clairement si l'Etat palestinien doit être créé dans les frontières d'avant la «Guerre des Six Jours» de juin 1967. En entretenant délibérément le flou sur le fond de la question, ils laissent à Netanyahu le soin de tracer les frontières de la Palestine. Donc les frontières que voudra Israël. C'est la seconde grande trahison occidentale après celle du partage de la Palestine en 1947 par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a permis l'entrée d'Israël à l'ONU. Une initiative sur laquelle les Palestiniens n'ont pas été consultés. L'Occident se trouve de fait «piégé» dans son refus de réparer son erreur historique envers la Palestine, la cause sacrée à tous les Arabes. Oui, plus que leurs aspirations à la démocratie «occidentale».