Le président Mahmoud Abbas ne va pas jouer un «coup de Poker» en allant demander, demain à New York, l'adhésion de la Palestine à l'ONU. Par son projet, il lancera un défi à la communauté internationale dont il attend qu'elle répare l'injustice historique de 1947. 65 ans de veto américain Ce défi est lancé, en priorité, à la première puissance mondiale, les Etats-Unis qui ont couvert tous les excès de la colonisation juive dans ce qui est resté depuis cette date comme terres pour la création de l'Etat de Palestine. Depuis près de 65 ans, Washington a bloqué toutes les résolutions du Conseil de sécurité, condamnant Israël pour ses massacres en Cisjordanie occupée et à Ghaza, soumise au blocus inhumain depuis décembre 2009. L'administration américaine ne fait aucun mystère de son intention de mettre le veto, cette fois, au joyau de la cause arabe : la reconnaissance internationale de la Palestine lorsque ce projet sera soumis au Conseil de sécurité. Mahmoud Abbas ne se fait, d'ailleurs, pas la moindre illusion sur un changement de dernière minute de la position des Américains et c'est pourquoi il maintient son initiative du tout diplomatique. Son objectif est, en fait, moins de tenter une adhésion de l'Etat palestinien qu'il sait impossible à obtenir sur la base de la règle du jeu au Conseil de sécurité où il suffit du veto de l'un de ses cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni et Chine) pour bloquer le plus inaliénable droit d'un peuple à avoir son Etat. Ce droit de veto, les Américains en ont usé et abusé pour défendre les intérêts de leur allié israélien et s'opposer d'une manière systématique aux légitimes aspirations nationales du peuple palestinien. L'Occident mis devant ses responsabilités Ce que veut le président palestinien c'est surtout de mettre devant leurs responsabilités là où les puissances occidentales qui sont, à un degré ou un autre, complices dans le crime contre l'humanité du partage de la Palestine en 1947 et qui s'opposent, aujourd'hui, par un moyen ou un autre, au retour d'Israël à la ligne d'armistice fixée à date par les Nations unies. C'est un fait que les pays occidentaux refusent de s'acquitter de leurs obligations internationales envers la Palestine. De réparer une injustice inédite dans les annales des Nations unies. C'est tout l'enjeu de la démarche de Mahmoud Abbas qui a le soutien suffisant de la grande majorité des Etats membres de l'ONU pour faire voter une résolution favorable à l'adhésion de la Palestine à l'ONU. Une résolution politique, non exécutoire. C'est contre cette volonté de la communauté internationale que les Etats-Unis opposeront une fois de plus leur veto. C'est contre cette volonté que le Premier ministre israélien s'est exprimé quand il déclare sur un ton de mépris et provocateur, que «l'AG de l'ONU est prête à voter une résolution stipulant que le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest». Pour pouvoir se permettre de lancer des insultes à la communauté internationale, Netanyahu mise sur le veto inconditionnel et dans l'impunité des Américains et la docilité des régimes arabes. A la différence cette fois que l'équilibre régional de Camp David qui fait sa force est en voie d'ébranlement. C'est au programme du «Printemps arabe». L'erreur d'appréciation des amis d'Israël La première puissance mondiale, et avec elle ses alliés de l'Union européenne et de l'Otan, jouent leur crédibilité auprès des peuples arabes en révolte contre leurs régimes, dont ils se disent les amis. Nicolas Sarkozy a commis un lapsus qui traduit sa pensée profonde quand il affirmait, mardi à la télévision, que les peuples arabes ne se sont pas soulevés contre l'Occident, ni contre Israël mais contre leurs régimes. C'est une simple question d'étape. Les pays occidentaux commettent, en effet, une grave erreur d'appréciation s'ils estiment que pour avoir «libéré le peuple libyen de Kadhafi», les peuples arabes ont renoncé, de fait, à leur cause commune et sacrée : la Palestine avec un Etat dans les frontières de 1967, avec pour capitale El Qods, le droit au retour des réfugiés de 1948 et le démantèlement des colonies juives en Cisjordanie. Mahmoud Abbas ne part pas à l'aventure diplomatique à New York et sa mission n'aura pas échoué lorsque les Etats-Unis mettront le veto à son initiative. C'est peut-être là qu'il aura gagné son pari puisque le problème palestinien devra sortir nécessairement de l'impasse dans laquelle l'ont confiné les pays amis d'Israël. Le président Obama qui est favorable au retour aux frontières de 1967, contre l'avis du Congrès américain en partie aux mains du lobby juif, tentera d'arracher des concessions à Netanyahu qu'il rencontrera en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. Dans le cas contraire, c'est tout l'édifice du nouveau Proche-Orient qui s'écroulera comme un château de cartes.
La course contre la montre à New York Les Etats-Unis devront justifier leur position d'hostilité à la Palestine devant l'opinion arabe. Le président Abbas sait que les Américains jouent gros dans la région. C'est pourquoi il n'a pas cédé aux pressions des envoyés spéciaux de la Maison Blanche à Ramallah. Il l'a dit aux émissaires de Barack Obama : les Palestiniens n'ont plus rien à perdre pour avoir tout perdu et rien à craindre des menaces d'Israël. Le défi est donc relevé face aux jeux et enjeux des Occidentaux. Les Américains si. Les Européens aussi qui multiplient, en ce moment, dans une course contre la montre, les initiatives diplomatiques en vue de recueillir un large consensus autour de la question de l'adhésion de la Palestine à l'ONU. Ce qu'ils ont fait, mardi, à travers la réunion de coordination qu'ils ont organisée avec la Russie pour définir «les voies et les moyens de relancer les négociations de paix» entre Israéliens et Palestiniens sur la base du plan de travail présenté par la Haute représentante à la politique extérieure de l'UE, Mme Catherine Ashton. Un consensus s'est dégagé autour d'une possible solution satisfaisante aux yeux de l'Union européenne. Une solution à géométrie variable Cette solution à géométrie variable tiendrait compte de l'initiative que le président Mahmoud Abbas prévoit de présenter le 23 novembre aux Nations unies, combinée à une éventuelle résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, à ce propos et à une déclaration du quartet fixant les paramètres et le calendrier des négociations israélo-palestiniennes. Pour les négociateurs palestiniens, des promesses occidentales non tenues depuis 1947 et des engagements écrits. La rue arabe, elle, qui continue de manifester contre les régimes corrompus garde un œil vigilant sur ce qui se trame à New York.