La Libye de l'après-Mouammar Kadhafi, le guide tué jeudi dans des circonstances encore floues, dépendra des capacités des nouvelles autorités libyennes du Conseil national de transition (CNT) à gérer la suite des évènements après «la libération» du pays. Dans un pays grandement vide et sans institutions, la tâche sera tout de même très lourde pour les nouvelles autorités qui seront confrontées à un problème de construction générale du pays. Les capacités du CNT à gérer l'après-guerre Des observateurs attentifs de la crise libyenne soutiennent que le CNT doit avant tout s'organiser et mettre fin notamment aux distensions qui existent en son sein. Ils ont fait allusion à la possible recrudescence du courant islamiste. Un leader de cette mouvance dirige l'aile militaire à Tripoli, la capitale. Il doit aussi tenir ses promesses et exécuter le plan de route politique qu'il a annoncé il y a quelque temps. Le plus urgent, soulignent certains politologues, c'est la prise en charge des victimes de la tragédie. La priorité sera aussi de «construire une armée nationale, homogène et disciplinée», selon d'autres qui avertissent que le pays regorge d'armes dont pourraient s'emparer des groupes radicaux qui pourraient nuire à la réconciliation dans toute la région. Le CNT a toujours indiqué qu'une fois la Libye libérée, il mettrait en place un véritable gouvernement transitoire qui serait chargé de préparer les premières élections libres du pays. Ce scénario va certainement rencontrer des obstacles en raisons des divergences au sein du CNT entre «politiques» et militaires, surtout. Le courant politique est lui-même composé de plusieurs tendances, dont les islamistes. Seulement se pose la question des leaders. Le Conseil a bien un chef officiel, Moustafa Abdeldjelil, mais son numéro deux, Mahmoud Jibril, est également en vue, alors que des chefs militaires, qui ont mené la bataille sur le front, pourraient également se manifester. Une vision non partagée par des spécialistes de telles questions qui affirment que les personnalités les plus en vue du conseil ne devraient pas jouer à l'avenir les premiers rôles. Mais les plus avertis estiment qu'au vu des «capacités» du CNT de gérer quelques difficultés durant le conflit armé, il est en mesure de «dépasser ses querelles internes» et œuvrer pour un régime démocratique. Certains analystes cités par des médias affirment tout de même que personne ne peut dresser une carte précise de la mouvance islamiste entre Frères musulmans, prêts à travailler avec des forces politiques, salafistes, plus radicaux, et peut-être des survivances des groupes armés écrasés par Kadhafi dans le Djebel Vert, à l'est de Benghazi, dans les années 1990. En ce sens, le numéro deux du CNT a formulé des craintes quant au «chaos» pouvant résulter d'une «bataille politique» précoce. «Naturellement, on transite de la période de la révolution vers celle de l'Etat et on se met d'accord sur un système politique basé sur une Constitution claire. Mais nous nous dirigeons vers une bataille politique dont les règles du jeu ne sont pas définies», a déclaré M. Jibril. «Nous sommes passés d'une bataille nationale à une bataille politique qui n'aurait pas dû avoir lieu avant de fonder l'Etat», a-t-il souligné. «Un des scénarios terrifiants, c'est qu'on transite d'une guerre nationale vers le chaos», a averti le chef libéral du bureau exécutif du CNT. Des craintes commencent à se faire sentir dans la Libye d'après Kadhafi. Pour sa part, M. Jibril avait, avant la mort de Kadhafi, formulé son souhait de quitter son poste et se consacrer au «développement de la société civile en Libye sur des bases solides». «La bataille politique requiert de l'argent, le pouvoir, l'organisation et des armes. Et moi je ne possède rien de tout ça», a-t-il expliqué, en affirmant «ne plus être en mesure désormais d'offrir quoi que ce soit au peuple libyen». A qui profitera la nouvelle Libye ? Qui profitera de la chute du régime de Kadhafi ou de la nouvelle Libye ? Une question pour laquelle les puissances ayant activement participé au sein de l'OTAN, à leur tête la France et la grande-Bretagne, sont les premières à être aux aguets pour profiter des richesses de ce pays et surtout de son pétrole. C'est sous la couverture de partenariat et d'échanges commerciaux ou d'aide à sortir de la crise et d'assurer la transition que ces deux puissances tenteront de dépasser les autres. Le ministre de la Défense français Gérard Longuet a déclaré au quotidien le Monde que la France entendait jouer un rôle de «partenaire principal» auprès de la Libye, dont les nouveaux dirigeants «savent qu'ils nous doivent beaucoup». «Les pays de la coalition vont probablement adopter des positions plus bilatérales dans leur relation avec la Libye. Chacun cherchera à tirer son épingle du jeu», poursuit M.Longuet. «Nous ne serons ni les derniers ni les plus vulgaires. Nous n'avons pas eu d'engagement tardif, médiocre, incertain», a-t-il dit. Néanmoins, certains appellent à la prudence. «Maintenant, il est important qu'ils prennent du recul. Rien ne serait plus dangereux que l'image d'un régime contrôlé par les Occidentaux ; ce serait exploité par certains», soulignent-ils, ajoutant que «ce n'est pas le retour de l'impérialisme occidental ; c'est tout à fait l'inverse». L'essentiel, pour d'autres, c'est de montrer aux Libyens que leur avenir leur appartient et que c'est à eux, et à eux seuls, de le définir.