Les images de Kadhafi lynché et tué par une foule féroce de miliciens ont été diffusées à l'échelle mondiale, pour démontrer qu'en Libye, il s'est agi d'une rébellion populaire qui s'est terminée par le renversement de l'odieux dictateur, écrit Manlio Dinucci dans un commentaire paru dimanche dernier dans la presse italienne. L'auteur qualifie cette version des faits de «simpliste». S'appuyant sur la reconstitution documentée des événements faite le 21 octobre par le quotidien britannique The Telegraph, Manlio Dinucci arrive à la conclusion que «la réalité est toute autre». Cette reconstitution permet de dire qu'après avoir joué un rôle clé dans la conquête de Tripoli, fin août dernier, les agents de la CIA et du service secret britannique MI6, qui opèrent sur le terrain en Libye, se sont concentrés sur la chasse à Kadhafi, qui avait échappé aux bombardements massifs de l'Otan. Tandis que les drones et autres avions espions, dotés des appareils les plus sophistiqués, survolaient jour et nuit le pays, des forces spéciales étasuniennes et britanniques passaient au crible la zone de Syrte, probable refuge du colonel. Celui-ci a été obligé, ces dernières semaines, de rompre le silence téléphonique, en utilisant un portable peut-être de type satellitaire. La communication a été interceptée, confirmant sa présence dans la zone. Quand un convoi de plusieurs dizaines de véhicules est sorti de la ville, il a immédiatement été repéré par les avions espions : un Rivet Joint étasunien (qui peut repérer l'objectif à 250 km de distance), un C160 Gabriel français et un Tornado Gr4 britannique. A ce moment-là, un drone Predator américain, qui avait décollé de Sicile et télécommandé via satellite depuis une base proche de Las Vegas, a attaqué le convoi avec de nombreux missiles Hellfire. Les avions espions US ont préparé le terrain aux Mirage-2000 français Même si cela n'est pas spécifié, il s'agit d'un des Predator MQ-9 Reaper déployés à Sigonella (Sicile), où se trouve le personnel affecté à l'approvisionnement et à la manutention, et conduits par un pilote et un spécialiste des senseurs, tous deux assis à leur console aux Etats-Unis, à plus de 10 000 km de distance. Le Reaper, en mesure de transporter une charge guerrière d'une tonne et demie, est armé de 14 missiles Hellfire («feu d'enfer») à tête antichar explosive à fragmentation. Immédiatement après, le convoi a été frappé aussi par des chasseurs bombardiers français Mirage-2000 avec des bombes Paveway de 500 libres et des munitions de précision Aasm (Armement Air-Sol Modulaire), elles aussi à guidage laser. Cette attaque a été décisive pour la capture de Kadhafi. «Ces faits démontrent que, en réalité, c'est l'Otan qui a capturé Kadhafi, en le poussant dans les mains de miliciens musulmans de Misrata, animés d'une particulière haine à son égard. Et que c'est l'Otan qui a vaincu cette guerre non seulement en larguant sur la Libye 40-50 000 bombes en plus de 10 000 missions d'attaque, afin d'ouvrir la voie aux «rebelles», mais en infiltrant en territoire libyen services secrets et forces spéciales pour réaliser et diriger les opérations de guerre», note Manlio Dinucci. Le plan - décidé à Washington, Londres et Paris -était, ajoute-t-il, d'éliminer Kadhafi, qui dans un procès public aurait pu révéler des vérités incommodes pour les gouvernements occidentaux. Il n'est donc pas exclu que parmi la foule de miliciens hurlants, derrière le «jeune homme au pistolet en or» à qui on attribue le meurtre du Guide, il y avait bien plus d'experts killers de profession, conclut-on.