Les électeurs marocains ne s'étaient pas bousculés, dimanche dernier, aux portes des bureaux de vote pour élire leurs représentants au Parlement national. Avec le modeste taux de participation de 45%, avancé officiellement par le ministre de l'Intérieur, ils n'étaient pas nombreux à répondre au mot d'ordre du palais de faire de ce scrutin la confirmation de «l'attachement» des citoyens aux «réformes démocratiques», initiées par le roi Mohammed VI, en juillet, par l'adoption massive de la nouvelle Constitution du royaume. L'islamisme «modéré» Ils étaient, en revanche, relativement plus nombreux à vouloir le changement, mais pas forcément dans le sens voulu par le roi, ni celui souhaité en France, en Espagne et aux Etats-Unis. Abdallah Benkirane, l'islamiste «modéré» qui devrait être le futur Premier ministre marocain, s'est étonné, à juste raison, au micro de notre consœur de Canal Algérie que les pays occidentaux veulent un changement à la mesure de leurs intérêts au Maroc. Ces puissances occidentales qui ont toujours eu pignon sur rue en Afrique du Nord, ont manœuvré et joué perdants. Ils ont misé sur des partis «démocratiques» et «laïcs», pourtant peu représentatifs dans des sociétés à forte sensibilité religieuse. Ils ont choisi leurs candidats, des tocards généralement, faits dans le moule de Moubarak, de Ben Ali et de Abdallah Saleh, avec pour mission de préserver leurs intérêts politiques, géostratégiques et économiques. Au résultat par les urnes, ils ont eu Abdallah Benkirane au Maroc, Rached Ghannouchi en Tunisie, les «Frères musulmans» en Egypte et déroulé le tapis sous les pieds de Al Qaïda lui ouvrant les portes du pouvoir en Libye. Les islamistes dits «modérés» font partie de la délégation du Conseil national syrien (CNS) qui est reçue, en ce moment, dans les capitales de l'Union européenne en «représentante légale» du peuple syrien. Le vote sanction Les élections législatives au Maroc auront été un vote sanction dirigé tant contre le Palais que la classe politique traditionnelle qui joue le jeu des Occidentaux. Globalement, ce fut un rejet clair du processus des réformes mis en œuvre par le souverain dans le seul but de désamorcer le «Mouvement du 20 février», dans la foulée des révoltes populaires en Tunisie et en Egypte. Cette idée avait été inspirée par la France et l'Espagne, les deux alliés qui ont sommé le souverain alaouite d'engager des réformes démocratiques sans délais, pour mieux préparer le terrain vers une monarchie parlementaire à l'espagnole. Mohammed VI a obtempéré en faisant voter un projet de Constitution qui, loin de préparer le terrain à un système où le roi ne gouverne pas, comme en Espagne ou en Angleterre, a consolidé l'essentiel de son pouvoir absolu. Le «Mouvement du 20 février», le seul véritable courant démocratique dans le pays, a été suivi en partie dans son appel au boycott des législatives si l'on considère qu'une bonne partie des électeurs a préféré rester chez elle. Le cas du PJD marocain Ce vote aura été un camouflet pour les partis satellites du palais, à leur tête l'historique Istiqlal qui a enregistré seulement 43 des 317 sièges que compte le Parlement. Ce parti conservateur du Premier ministre copté Abbas El Fassi arrive donc loin derrière avec la moitié des sièges obtenus par le Parti de la justice et du développement (PJD), dont les militants ont parfaitement joué le jeu du processus démocratique du roi. Comme en Algérie dans les années FIS, récemment en Tunisie avec Ennahda et prochainement en Egypte sous l'ère des Frères musulmans qui doit commencer incessamment, la discipline des électeurs du mouvement islamiste marocain a été exemplaire. Même sans la majorité absolue au Parlement pour pouvoir gouverner seul, ce parti dit «modéré», histoire de ne pas effrayer les amis occidentaux, jouit de la confiance réel de ses électeurs. En 2007, il avait obtenu plus de voix que ses concurrents mais moins de sièges, en raison d'un découpage électoral conçu pour favoriser les fiefs des partis monarchistes. Une manœuvre dont seul le régime a le secret. L'invendable «démocratie» occidentale Ceux qui ont voté dimanche comme ceux qui se sont abstenus à ce scrutin, ont voulu lancer un message à la tutelle politique des puissances occidentales sur la conduite des affaires dans leur pays. Les Marocains ou les Tunisiens se fichent bien du modèle démocratique occidental qui leur donne la liberté de parole et le droit de fuir le pays par pateras, et pas de travail, ni accès aux soins et à l'éducation pour la majorité d'entre eux. Pour cette raison, ils se sont jetés dans les bras des islamistes qui, eux, ont au moins le mérite de déclarer la guerre à la corruption au pouvoir et à l'injustice sociale. Le PJD a été récompensé pour l'avoir fait dans les municipalités qu'il dirige depuis 2007. Avec le dernier scrutin au Maroc, les pays occidentaux ont désormais peu d'arguments pour vendre aux indignés d'un pays comme le Maroc, majoritairement islamiste, leur démocratie qui donne aux banques le pouvoir de faire des chômeurs des SDF.