Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), a estimé, hier, que les lois sur l'information et les associations adoptées récemment par le Parlement dans le cadre de la mise en place des réformes politiques sont «insuffisantes». «Ce sont des textes frileux alors qu'il faut des textes courageux qui consacrent une véritable ouverture», a-t-il dit lors de son intervention à l'émission «100% politique» de Radio Algérie Internationale (RAI). Concernant la loi sur l'information, il a dit que «les gens de la presse n'ont pas été suffisamment consultés. Or lorsqu'on veut faire un bon texte de loi, il faut d'abord prendre l'avis des premiers concernés à savoir les journalistes. Cela n'a pas été suffisamment fait. Cette loi n'est pas appelée à apporter le succès espéré», a-t-il dit. Selon lui, la liberté de la presse est une condition absolument nécessaire pour l'exercice de la démocratie. «Le texte ne porte pas la satisfaction qu'il devrait porter», dira-t-il, estimant que «ce texte est susceptible d'être amélioré» dans la mesure où «ce n'est pas un texte coranique sur lequel on va rester bloqué pendant des siècles». «Je constate et je reconnais qu'il est frileux or, lorsque on légifère il faut être courageux, s'avancer et être sensé», a-t-il ajouté. A propos du texte sur les associations, M. Ksentini rappelle que «le degré de démocratie se mesure au nombre des associations dans un pays», et que le texte présenté au Parlement est également «frileux». «Ou on ouvre la porte ou on la ferme. On ne peut pas la laisser entre-ouverte», a-t-il dit. Le sujet des réformes sera justement l'objet du dernier rapport sur la situation des droits de l'homme en Algérie qui sera présenté au président Abdelaziz Bouteflika dans les prochains jours. Il précise que la CNCPPDH est composée de 44 membres, lesquels participent et rédigent le rapport final après un débat sur les idées qui se solde par le vote, «en cas d'avis différents». «Je n''incarne pas la commission» ,a-t-il précisé. Antinomie entre la charte et le code pénal Farouk Ksentini ne s'oppose pas à l'idée de traiter les dossiers des repentis au cas par cas en prévision de leur retour à la politique. «Les repentis peuvent aller vers les partis. Il n'y a pas d'obstacles majeurs d'étudier au cas par cas pour voir comment agir avec chacun. Il est préférable de faire une étude plutôt que de rebuter en vrac», a-t-il dit. Selon lui, il est impossible de définir au préalable les cas d'interdiction avant d'effectuer cette étude. «On identifiera les cas d'interdiction après l'étude», a-t-il dit, soulignant que «L'Etat est dans son droit de contrôler, de protéger en respectant les droits des citoyens». Revenant sur l'interdiction de l'exercice politique aux responsables de la tragédie nationale, maître Ksentini estime qu' «il faut apporter une solution courageuse et éclaircir les choses sur le conflit et l'antinomie existant entre la charte sur la réconciliation nationale et les dispositions du code pénal». En effet, selon la charte, «les leaders de parti qui sont à l'origine des évènements constitutifs de la tragédie nationale ont été définitivement écartés de la vie politique», alors que le code pénal évoque «les peines complémentaires telles que l'interdiction des droits civiques et civils des personnes peuvent être prononcées par le juge mais pour une période de 10 ans seulement». Par ailleurs, M. Ksentini a plaidé en faveur de la révision du code de la famille qui constitue une véritable «aberration» en matière de droit, notamment dans le traitement des cas de divorces qui bafouent totalement les droits de la femme. «Dans le code actuel, le mari doit assurer le logement pour les enfants ou assurer le loyer qui n'excède pas 6000 DA par mois, ce qui est inférieur à la réalité. Donc la femme est privée de son droit au logement. Il faut revoir les choses d'une manière urgente et substantielle», a-t-il dit en suggérant «de ne pas accorder le divorce au mari qu'après avoir assuré un logement aux enfants». Avec le retour de la mouvance islamique et le risque d'emporter les législatives, M. Ksentini a alerté sur l'existence de «forces de régression considérables dont l'impact est dévastateur sur la société. Il y a des gens qui rêvent de revenir au Moyen Age et faire régresser la société et les porteurs de ces idées ne s'en cachent pas», a-t-il observé. Selon lui, la société civile et la femme doivent jouer un rôle pour «la préservation et l'amélioration du code de la famille, autrement la partie risque d'être perdue gravement et définitivement», a-t-il dit.