Sans surprise, la France, l'Espagne et, dans une certaine mesure, le Portugal se sont opposés à toute référence explicite au Sahara occidental dans le débat des experts qui s'est ouvert vendredi à Bruxelles sur l'examen d'un projet d'accord de pêche que les «27» prévoient de négocier avec Rabat. La France, principal soutien du Maroc sur la question du Sahara occidental, mais aussi l'Espagne et le Portugal, les deux pays qui bénéficient de la quasi-totalité des 119 licences de pêche (une centaine pour l'Espagne octroyées par le gouvernement marocains aux chalutiers européens) ont tenté de contrer la recommandation de la Commission européenne quant à la nécessité pour Rabat de respecter le droit international sur la question sahraouie. La position de Bruxelles est appuyée, en revanche, par la Hollande, le Royaume-Uni et surtout les pays scandinaves. Le mois dernier, le Parlement de Strasbourg avait bloqué à la majorité de ses membres la reconduction de cet accord, signé en février 2007, qui parvient à expiration le mois prochain. Au plan commercial, les eurodéputés avaient considéré peu rentable l'accord pour lequel le Maroc perçoit 36,1 millions d'euros, une somme qui ne profite pas aux populations sahraouies, alors que les chalutiers européens pêchent dans les eaux du Sahara. Au plan écologique, les enquêteurs de la Commission européenne estiment que les ressources maritimes sahraouies sont surexploitées par les pêcheurs européens. C'est toutefois au plan politique que le Maroc a subi le plus de revers. Les eurodéputés ont tenu compte de l'avis rendu par la Commission juridique de Strasbourg sur le caractère illégal de l'accord de pêche, au motif que le Maroc n'a aucun titre de souveraineté sur le Sahara occidental. Ils ont constaté, en outre, que les violations des droits de l'homme au Sahara occidental sont systématiques. Les experts doivent se réunir à nouveau les 25 et 26 janvier prochains pour présenter leurs conclusions au Danemark qui assure la présidence tournante de l'Union européenne durant le premier semestre 2012. C'est ce pays qui avait tout au long de ces dernières années le plus agi pour que soit respectée la légalité internationale sur le Sahara occidental. Madrid qui a déplacé, en début de semaine, à Bruxelles, une importante délégation gouvernementale spécialisée dans les questions européennes, aura du mal à obtenir du Danemark de faire l'impasse sur le Sahara occidental dans le futur accord UE-Maroc. Dans la capitale belge, le ministre espagnol de l'Agriculture, de l'Environnement et de l'Alimentation, Marias Cañate, a tenté de convaincre la commissaire européenne, la Grecque Damanaki, que la question des droits de l'homme au Sahara occidental ne doit pas figurer dans le cadre d'un accord purement commercial. C'est à ce niveau que se situe la différence d'appréciation entre partisans et adversaires d'un tel accord. Le procès de Salé Rabat sait, se son côté, que cette question sera de toute évidence incontournable pour les parlementaires européens qui ont dépêché des observateurs au procès des 23 jeunes indépendantistes sahraouis ouvert vendredi à Salé. Ce procès dont la date coïncidait avec la réunion des experts à Bruxelles a été reporté sine die par Rabat. Les 23 jeunes Sahraouis sont accusés d'avoir organisé le camp de protestations populaires de Gdeim Izik, brutalement démantelé par les forces de sécurité marocaines le 8 novembre 2010. Rabat accuse ces jeunes d'être responsables de la mort de 11 policiers et gendarmes durant cette prise d'assaut, qui a été condamnée par le Parlement européen.