Les négociations de caractère informel entre le Maroc et le Front Polisario reprendront aujourd'hui à Manhassat, près de New York, sans beaucoup d´espoir que ce huitième round débouche sur le déblocage du conflit sahraoui voulu par Christopher Ross. L´envoyé personnel du secrétaire général de l´ONU pour le Sahara occidental veut encore croire en ses chances de convaincre les deux parties impliquées dans ce conflit sur l´ancienne colonie espagnole, vieux de 36 ans, de faire un «compromis substantiel». M. Ross mise, à ce propos, sur les changements positifs que peut avoir le «Printemps arabe» sur les mentalités des deux parties qui continuent de camper sur leurs positions. Le Maroc refusera toute solution en dehors de son plan d´autonomie, soutenue par la France et que la secrétaire d´Etat américaine, Mme Hillary Clinton, a qualifié de «sérieux» et de «raisonnable», durant son escale marocaine lors du périple qu´elle vient d´effectuer au Maghreb. Pour le Maroc, qui siège depuis janvier au Conseil de sécurité comme membre non permanent, et ce jusqu´à la fin 2013, c´est le «feu vert» de la première puissance mondiale à la mise en œuvre de son projet. Pour le Front Polisario, cette «realpolitic» prônée aussi par certaines puissances occidentales sous influence de la France, est un déni du droit international et que seule la légalité internationale peut s´appliquer à ce problème de décolonisation. Les changements en Europe Les «changements démocratiques» dans le monde arabe n´auront donc qu´un impact très limité sur le traitement politique de la question sahraouie. Les changements qui se produisent en Europe si. Une éventuelle défaite de la droite à l'élection présidentielle de mai prochain en France pourrait priver le Maroc de son soutien inconditionnel aux Nations unies. Les socialistes, eux, sont plus sensibles au droit des peuples à disposer d´eux-mêmes, un principe sacrifié aux liens presque familiaux entretenus par Jacques Chirac, «parrain» de Mohamed VI et Nicolas Sarkozy qui passe ses vacances à Marrakech. A l´inverse, l´arrivée en décembre dernier de la droite en Espagne, pays qui ne siège pas au Conseil de sécurité mais dont la voix est écoutée en sa qualité d´ancienne puissance coloniale, a privé déjà le Maroc du soutien précieux de l´ex-gouvernement socialiste de José Luis Zapatero dont le parti est contrôlé par un puissant lobby pro-marocain. Interpellé, mercredi, par les sénateurs des partis nationalistes basques du PNV et de Amaiur sur le refus de l´Espagne de faire pression sur le Maroc, le chef de la diplomatie, M. García-Margallo, avait admis qu´il était «impossible d´imposer une solution» au conflit du Sahara occidental. L´allusion ici est nette au veto de la France qui rappelle celui que les Etats-Unis appliquent systématiquement en faveur d´Israël. La «responsabilité historique» de l´Espagne Le fait nouveau, aujourd´hui, est que l´Espagne ne s´aligne plus, comme du temps de Zapatero, sur la position de la France sur le Sahara. M. García-Margallo a clairement soutenu que son gouvernement est favorable à une «solution négociée dans le respect du droit à l´autodétermination du peuple sahraoui» et c´est «cette position que le gouvernement Rajoy a défendue à Rabat comme à Alger». Le Parti populaire a toujours reproché avec ironie aux socialistes de «formuler une position à Madrid, une autre à Rabat et une troisième à Alger et à Tindouf». Le Front Polisario n´en attend pas plus de l´ancienne puissance coloniale qui s´est engagée avec Mariano Rajoy a reconnaître sa «responsabilité historique» dans le conflit sahraoui. Ce huitième round ne devrait pas aborder la question de fond, l´autodétermination, mais des points secondaires. Telle est, pour le moment, l´ambition limitée de M. Ross dont l´objectif est de créer les conditions d´un vrai dialogue avec un ordre du jour, mais qui n´est pas pour le court terme. Les deux parties devront évoquer des questions, comme le déminage le long du mur de séparation, les échanges de visites familiales entre Tindouf et Al Ayoune et l´exploitation des richesses naturelles du territoire sahraoui. Richesses naturelles et souveraineté Ce thème permettra inévitablement à la délégation sahraouie de faire observer l´absence de titre de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Cette question est en débat déjà au niveau des institutions européennes. Dans quelques jours, Bruxelles reconduira l´accord de pêche avec le Maroc après avoir répondu à la question de savoir si le Maroc a le droit de disposer des richesses naturelles d´un territoire non autonome. M. Willy Meyer, le plus activiste des députés européens pro-Sahraouis, a estimé, jeudi, que cet éventuel accord serait «bénéfique s´il est conforme à la légalité internationale» sur le Sahara occidental. L´eurodéputé espagnol, avec le soutien de bon nombre de ses collègues, a invité les «27» à mentionner clairement, cette fois, que le futur accord «ne s´appliquera pas aux eaux du Sahara occidental, car ce territoire est sujet au processus de décolonisation». Une telle clause contribuera sans doute à fragiliser encore davantage les thèses du Maroc sur «sa» souveraineté sur le Sahara occidental. De notre envoyé spécial