Un fort taux d'abstention lors des prochaines législatives du 10 mai enverrait l'Algérie aux années 1990, a averti le secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA), qui a regretté le manque de cohésion des démocrates contrairement aux islamistes auxquels il faut absolument faire barrage. Invité du premier numéro de la nouvelle émission «Sans parti pris» de Dzair Web TV, l'ex-ministre de la santé a considéré que «l'abstention est une préoccupation fondamentale parce qu'elle est dangereuse». Benyounès met en garde contre le retour aux années FIS «qui a gagné les élections avec moins de 23% des voix», rappelle-t-il, alors qu'en 1995, lorsque le peuple a voté massivement, «la mouvance islamiste a été battue», précisera le chef du MPA. «Le monde a changé, il faut que l'Algérie change aussi. Un changement pacifique, pas un changement de manière à renvoyer l'Algérie aux années 1990», a-t-il encore ajouté avant d'ironiser : «Je dirai aux citoyens : si vous êtes satisfaits de la situation dans laquelle vous êtes, votez encore pour les anciens partis ou pour ceux qui gèrent le pays.» S'attaquant vertement à Bouguerra Soltani qui affirme que les élections de 95 sont truquées alors qu'il a participé à tous les gouvernements depuis, qualifiant ses ministres de «demi-pensionnaires du gouvernement, Benyounès précisera : «Je n'ai pas pour autant de problèmes avec les islamistes. Ce sont mes adversaires», en faisant toutefois remarquer que «la base de la politique, c'est la polémique». «Je suis un opposant radical au projet intégriste», réaffirmera l'ex-ministre. Pourquoi alors avoir appuyé la réconciliation nationale qui a réhabilité les islamistes ? Pour benyounès, c'est seulement parce que selon lui, la réconciliation impute la seule responsabilité de la décennie noire au FIS et refuse aux responsables du parti dissous la pratique de la politique. Il regrettera que le délai de 6 mois accordé par cette loi demeure toujours en vigueur. «Les partis islamistes doivent respecter la Constitution. la loi est claire : il est interdit d'utiliser les constantes nationales à des fins politiques», a-t-il martelé. Au sujet des alliances, il affirmera que même si les démocrates et les nationalistes «sont aussi des adversaires», le MPA pourra contracter des alliances avec eux, citant le RND, le FLN et le FFS, mais «en fonction des résultats du scrutin.» «Le but pour nous actuellement est de participer au scrutin et je vous dirai qu'on est l'un des rares partis à participer dans 100% des circonscriptions électorales», a-t-il précisé, relevant que les garanties données par les pouvoirs publics ne suffisent pas pour garantir la transparence du scrutin, d'où la nécessité pour les partis de «s'unir pour la surveillance commune des urnes, chose, regrette-t-il impossible» en raison du refus de certains partis, dont certains (l'Alliance verte) affirment que s'ils ne gagnent pas, c'est qu'il y a fraude. Une affirmation qu'il assimile à des «menaces». «Il y aura un peu de fraude» Il se contredira pourtant en affirmant que «si je suis convaincu qu'il y a fraude, je ne participe pas aux élections», alors qu'il dit être convaincu que l'Algérie n'est ni la Suède ni la Suisse. «Nous ne sommes pas dans une démocratie parfaite, mais une démocratie qui se construit. En 2012, il y aura un peu de fraude et peut-être qu'en 2025, il n'y en aura plus», a-t-il argué. Et d'ajouter : «C'est en participant, en dénonçant, en activant que cela se fera». Il affirmera par ailleurs n'avoir peur «d'aucun parti et le MPA entrera en force dans ces élections qui devraient obligatoirement aboutir à une victoire du pôle démocratique» qui est malheureusement pour lui «désuni». Pour les démissions constatées (Tizi Ouzou) au sein du MPA en raison de «l'autorité» de son chef dans la désignation des candidats, Benyounès affirmera que ces derniers ne sont même pas des militants du parti. Il refusera dans la foulée le «qualificatif» de «petit parti», rappelant que le MPA est présent dans les 48 wilayas et en émigration. «Je n'ai pas peur de l'échec», a-t-il en outre expliqué, appelant encore une fois les jeunes Algériens à voter même s'ils ont perdu confiance en les hommes politiques. Le taux de participation aux élections qui arrange Benyounès est celui de 65%. «Notre but au cours de la campagne est d'essayer de changer chez le citoyen cette mentalité qui considère que tous les hommes politiques sont des voleurs». Comment ? Par le dialogue, avec de nouvelles propositions et bien sûr qui tiennent compte des préoccupations quotidiennes des citoyens (logement, emploi, pouvoir d'achat, sécurité…), a-t-il estimé. «Nous allons promettre des choses que nous pouvons réaliser. Nous avons des propositions extrêmement claires et simples et c'est le peuple qui décidera le 10 mai», a t-il précisé. L'appel au boycott du RCD est «souverain», selon Benyounès qui nie que la majorité des militants du MPA sont issus de ce parti. Enfin, plaidant pour le financement public des partis politiques, Benyounès dénonce le phénomène de la «ch'kara» et s'interroge sur le silence des pouvoirs publics à ce propos (business des listes et financement étranger). Il répondra par ailleurs à Louisa Hanoune qui l'accuse d'avoir soutenu l'intervention étrangère dans la région du Maghreb, lui rappelant ses positions à l'époque où l'Algérie était à feu et à sang et qu'elle réclamait une enquête internationale. Par Saïd Mekla --------------- L'émission est disponible