A 35 ans et avec un dos qui le fait souffrir presque constamment, Andreï Shevchenko n'a plus qu'un lointain rapport avec l'immense joueur qu'il fût lors de ses années milanaises, mais il s'est battu pour participer à l'Euro-2012, où l'Ukraine croit en lui comme à un talisman. Jeudi lors d'un très festif entraînement ouvert au public au stade du Dynamo de Kiev, son club formateur où il est revenu en 2009, "Sheva" s'est vu remettre une zozulica géante. Cette sorte de flûte ou de sifflet traditionnel en argile et en forme de gros oiseau a connu moins de succès commercial et médiatique que la vuvuzela sud-africaine. Elle est pourtant beaucoup moins bruyante et surtout, dans le folklore ukrainien, elle a le pouvoir de porter chance et de chasser les mauvais esprits. A la veille de l'entrée en lice de l'Ukraine face à la Suède lors de cet Euro qu'elle co-organise avec la Pologne, Shevchenko aura bien besoin de ce talisman pour surmonter ses limites physiques du moment. Mais pour tout un peuple qui aimerait voir l'équipe nationale rééditer sa performance du Mondial-2006 (quart de finale), c'est bien lui qui fait office de porte-bonheur. Comme s'ils avaient bien compris que leur équipe ne parviendrait à rien sans un bon Shevchenko, les quelque 3000 ou 4000 supporteurs présents jeudi à l'entraînement l'ont ainsi acclamé à chaque prise de balle. "Sheva" souffre, mais il est toujours l'idole. Le Ballon d'Or 2004 n'a pourtant joué qu'une grosse vingtaine de matches cette saison avec le Dynamo, dont aucun de décembre à début avril, à cause de ses blessures. Mais sa participation à l'Euro a pris des allures de cause nationale, le sélectionneur Oleg Blokhine l'incluant dans toutes ses listes et les responsables du Dynamo lui concoctant un programme allégé et sur mesure pour ménager son corps fourbu. "Andreï n'est pas n'importe quel joueur de football. C'est aussi une personne à l'autorité immense et indiscutée, qui est tellement nécessaire à l'équipe", avait expliqué Blokhine. Mais celui qui a inscrit 175 buts avec l'AC Milan n'a jamais eu l'intention de se contenter de ce rôle et de jouer les utilités pour s'asseoir en bout de banc. "Si mes problèmes de santé devaient persister et m'empêchaient de devenir un membre à part entière de l'équipe nationale, alors je ne mettrai jamais les pieds sur un terrain. Je ne souhaite pas ridiculiser la sélection, je ne veux pas me ridiculiser", avait-il dit fin 2011. Après l'entraînement de jeudi, juste avant d'aller signer des autographes à des fans qui n'avaient d'yeux que pour lui ou presque, "Sheva" a encore été très clair: "La question n'est pas de savoir si je souhaite débuter le match mais de savoir si je suis apte à jouer. Et je le suis."