Amine Benabderrahmane, ancien secrétaire particulier du défunt président Mohamed Boudiaf, saisit l'occasion du 20e anniversaire de l'assassinat de Tayeb El Watani pour évoquer son souvenir et esquisser le profil de l'homme qu'il avait côtoyé durant son bref passage à la tête de l'Etat algérien. «Vingt ans déjà que nous accomplissons le même rite, nous retrouvant tous jeunes, vieux, amis et compagnons autour de sa tombe au milieu de gerbes de fleurs et de souvenirs que nous évoquons avec une pointe d'amertume et de regret», dira-t-il dans un hommage qu'il lui a rendu. Il ne manquera pas dans ce contexte de rappeler que Mohamed Boudiaf avait répondu le 16 janvier 1992 à l'appel de la nation, suscitant l'espoir de toute une jeunesse qui aspirait à vivre dans un pays libre, souverain, démocratique et fort, pour lequel se sont sacrifiés de glorieux chouhada. «Il refusait les compromis avec les fanatiques, ces monstres sans foi ni loi qui tuaient brûlaient et égorgeaient au nom de Dieu comme si Dieu le Tout-Puissant pouvait cautionner leurs vils desseins.» «Montrant sa détermination, il avait décidé dès son retour au pays de rétablir l'autorité de l'Etat. Il était le chef incontesté, mais le pouvoir ne l'intéressait nullement, il était là au service du peuple et pour le peuple qui souffrait chaque jour», affirme Amine Benabderrahmane. Il retracera brièvement le parcours de Tayeb El Watani dès son retour au pays et sa volonté d'unir les efforts de tous pour reconstruire l'Etat mis en danger par le péril terroriste et fragilisé par «les pratiques clientélistes qui métastasaient les centres de décision. Il avait tendu sa main pour sauver la patrie. Aucun obstacle ne pouvait l'arrêter, il demandait des comptes à tous ses collaborateurs, s'attaquait à toute forme de corruption, à la bureaucratie persistante du FLN et de l'Etat». Le document dont nous détenons une copie rappelle que c'était ça la force de Boudiaf, «et c'est peut-être cela qui eut raison de lui, les forces du mal étaient plus fortes Boudiaf n'aura pas réussi son grand projet de rassemblement des forces patriotiques». Benabderrahmane rappellera que la grande œuvre de Boudiaf de bâtir le Rassemblement patriotique national (RPN) autour de principes fondateurs inspirés de la déclaration du 1er novembre 1954, de l'amour à la patrie, n'a pas survécu à son assassinat. Le RPN qui devait servir de matrice à une refondation de l'Etat algérien basée sur le pluralisme politique, le respect des différences et sur la volonté de construire un Etat fort n'a pas survécu à l'homme assassiné le 29 juin 1992, alors qu'il prononçait un discours devant les cadres de la nation, à Annaba. Les idéaux de ce rassemblement, où siégeaient des personnalités politiques nationales, des représentants du mouvement associatif, ainsi que des personnalités du monde culturel et des intellectuels, dont la naissance fut proclamée quelques mois auparavant à Alger, restent encore très présents dans la société même après la mort de Boudiaf. Les nombreuses formations politiques nées au cours de ces dernières années ont tenté de s'en inspirer pour revendiquer l'héritage de Tayeb El Watani. Mais ce fut peine perdue, car la dynamique ne pouvait être mise en route que par Boudiaf et son discours franc, sincère et surtout sans ambages. «Boudiaf s'en est allé. Vingt après son assassinat, à El Alia, à la fondation Mohamed Boudiaf et dans toutes les chaumières on se souviendra de son passage parmi nous, de son Algérie avant tout et de son amour cette patrie qu'il aimait au-dessus de tout», note Benabderrahmane qui conclura son hommage, par : «Voilà brièvement le Boudiaf que j'ai connu et servi avec honneur et loyauté. Adieu Si Tayeb El Watani, tu nous a permis de rêver.»