Risques de catastrophes écologiques, manque de rentabilité et possibilité de recours à des ressources alternatives plus saines et plus rentables, sont autant d'éléments qui peuvent dissuader les autorités à recourir aux gaz non conventionnels. Pourtant, le gouvernement s'obstine à aller vers l'exploitation du gaz de schiste. La question cache-t-elle des enjeux politiques et stratégiques ? Les participants à la conférence-débat «Exploitation des gaz de schiste, enjeux et perspectives», organisée avant-hier à Alger par le Collectif national pour les libertés citoyennes, semblent le croire. Le texte du projet de loi sur les hydrocarbures répondrait à des pressions extérieures et à une conjoncture de «guerres» pour les énergies. Il faut dire que les spécialistes internationaux prédisent un bouleversement géopolitique mondial prochain provoqué par l'exploitation du gaz de schiste. L'expert international en économie Abderrahmane Mabtoul est de cet avis. Selon lui, l'analyse des données des réserves mondiales du gaz de schiste montre qu'elles se localisent essentiellement dans les pays actuellement importateurs de gaz (plus de 35 000 milliards m3 en Chine, 25 000 milliards m3 aux Etats-Unis). «On peut penser que si les pays actuellement importateurs de gaz se mettent à produire leur propre gaz de schiste, ils n'auraient plus besoin du gaz conventionnel des actuels grands exportateurs d'autant qu'ils maîtrisent la technologie nécessaire à l'exploitation de ce type de gaz.» L'expert affirme qu'avec l'exploitation du gaz de schiste, les Etats-Unis deviendraient vers 2020 le premier exportateur de gaz au monde. Face à cet état de fait, la Russie, la Chine et le Qatar seraient passés à l'offensive afin de faire face à la rude concurrence des Américains, en allant chercher du gaz ailleurs que sur leurs sols. C'est ce qui expliquerait la guerre en Libye (2e réserve africaine en gaz de schiste). La participation du Qatar au conflit libyen lui aurait garanti des marchés tout comme pour la France à qui 35% de l'exploitation des champs pétrolifères ont été promis par le Conseil national de transition libyen, comme l'avait affirmé Ahmed Kateb, chercheur en relations internationales au quotidien El Watan en avril dernier. Aussi, le Qatar, qui envisagerait de devenir un leader mondial du gaz, négocierait avec les nouvelles autorités qu'il soutient en Syrie des contrats pour les hydrocarbures en zones littorales et off-shore découverts dans les eaux syriennes, et pour le passage d'un gazoduc du Qatar vers la Turquie et l'Europe dans le futur. La scission du Soudan a également profité aux compagnies étrangères, surtout à la Chine qui détient plusieurs contrats au Sud-Soudan. Ainsi, les intervenants algériens lors de la conférence-débat d'avant-hier n'ont pas caché leurs interrogations sur la conception de l'Algérie de ces enjeux géostratégiques. Le projet de loi sur les hydrocarbures intègre-t-il ces données ? «Oui, d'une certaine manière», répond Yacine Teguia, chargé des dossiers politiques au parti politique Mouvement démocratique et social (MDS). En revoyant la fiscalité, «il s'agit aussi de rendre le marché algérien plus attractif» face à toute cette nouvelle concurrence.