La porte du nouvel an amazigh "Tabburt U Seggas" s'ouvre le 12 janvier de chaque année universelle, inaugurant, cette année, Yennayer 2963 du calendrier amazigh, dont le décompte aurait commencé en l'an 950 avant le Christ. D'essence agraire, ce calendrier est basé sur les changements climatiques et les différents cycles de végétation qui déterminent les moments de travaux agricoles, rythmés par le positionnement des astres, dont notamment celui de la lune et du soleil. Marquant l'avènement de la période séparant les deux cycles solaires, les solstices et les équinoxes, Yennayer signifie le départ du calendrier agricole amazigh, donnant lieu, encore de nos jours, en Kabylie comme ailleurs, à la pratique de rites liés aux travaux des champs, rythmant la vie des paysans. Les mythes à l'origine de la fête La célébration de cette manifestation millénaire aurait pour origine, d'après une croyance populaire très répandue dans les pays du Maghreb, un mythe selon lequel Yennayer (mois de janvier) aurait sollicité Furar (février) pour lui prêter un jour afin de punir une vieille femme qui l'aurait offensé. Ce jour, dit-on, un violent orage se leva et poursuivit la vielle femme jusqu'à ce que mort s'en suivit. Depuis, ce mythe continue de symboliser, dans l'imaginaire populaire, le sort réservé à tout un chacun qui osera défier la nature. Le nouvel an amazigh coïncide, également, avec la période de rupture des provisions que les ménages gardaient dans les amphores par mesure de prévoyance des disettes. Yennayer constitue aussi une halte pour faire le "bilan" d'une année qui s'achève et la préparation d'une autre qui commence. L'occasion est, surtout, propice au renouvellement des forces spirituelles, par l'observance de rites et de sacrifices pour exorciser la faim et le malheur, et attirer l'abondance des récoltes. Cette finalité continue d'ailleurs d'être à la base de la célébration de cette fête, quoique les formes diffèrent d'une région à une autre. "Qui célèbre Yennayer, éloigne le mauvais £il et les infortunes", dit un adage populaire pour signifier que la paix et le bonheur méritent bien des sacrifices, appelés communément "asfel" et portant généralement sur l'immolation d'un coq, de préférence un gallinacé élevé aux grains, sur le seuil de la porte de la maison afin d'en éloigner le malheur et de dérouler le tapis au bien et à la fraternité. Le dîner de Yennayer, une occasion pour la réconciliation L'occasion donne lieu, en outre, à la préparation, la veille du nouvel an amazigh, du traditionnel dîner de Yennayer "Imensi n'Yennayer", consistant en un couscous au poulet, ou à la viande, arrosé de sauce et achalandé de légumes, consommé collectivement dans un même plat. Il est admis que rien n'est plus indiqué que ce moment de partage et de convivialité pour permettre à des personnes séparées par un différend quelconque de se réconcilier. Le dîner servi, les membres de la famille se doivent de l'honorer en mangeant à satiété. En la circonstance, on n'oublie pas également d'offrir des assiettées "tunticht" aux voisins. Même les absents ont leur part : des cuillères symbolisant leur présence, et des rations leur sont laissées dans le plat collectif, censé rassembler tous les membres de la famille. Les jours suivants ce dîner donnent lieu à la préparation d'autres mets, mais sans viande, à savoir "ufitiyan", une sorte de soupe faite à base d'une mouture de pois chiches, de blé et de fèves et autres céréales symbolisant la fécondité et l'abondance des récoltes, accompagnée de crêpes ou de beignets enduits de miel, pour présager une année faite toute de douceur et de délicatesse. De même qu'on s'abstient de manger des aliments épicés ou amers, pour éviter d'avoir une année du même goût. La pratique d'autres rites, motivée également par le besoin de fécondité, est associée au cérémonial du présage du bonheur et de la prospérité, tel le fait de faire coïncider la célébration d'un mariage avec cet évènement, synonyme de fécondité, ou de faire, en cette occasion, au dernier né de la famille sa coupe de cheveux.