Les huit années de pontificat de Benoît XVI, qui a annoncé lundi sa démission pour le 28 février, resteront marquées par une grave crise de l'Eglise contemporaine, qui peine à trouver sa place dans le monde occidental, et a subi le discrédit des abus pédophiles de prêtres et du scandale Vatileaks. Lorsque le Bavarois Joseph Ratzinger accède à la tête de l'Eglise catholique le 19 avril 2005, les révélations sur des scandales de pédophilie par des hommes d'Eglise ont déjà pris de l'ampleur aux Etats-Unis. En 2008, il est le premier pape à exprimer sa "honte" et rencontrer des victimes. Mais une nouvelle vague de révélations reprend fin 2009 avec la révélation de centaines d'abus en Irlande, puis s'étend en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine. La protection des prêtres pédophiles par la hiérarchie fait scandale. Benoît XVI se verra reprocher de n'avoir pas assez pris la mesure du problème durant ses 24 ans passées à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais, contrairement à certaines personnalités du Vatican qui crient au complot médiatique, il reconnaît les "péchés" de l'Eglise et entreprend une opération "place nette", entraînant la démission de dizaines d'évêques. Le premier pape allemand de l'Histoire évitera de faire des leçons de morale, préférant parler de la foi. Il restera le premier pontife à avoir admis l'usage du préservatif, dans des cas très limités pour éviter la diffusion du Sida. Dans un livre d'entretiens "Lumière du monde" en novembre 2010, il admet que ce peut être un premier pas vers une "sexualité plus humaine". Après les incertitudes ayant suivi le concile Vatican II (1962-65) puis le pontificat de Jean Paul II, brillant et médiatisé mais marqué par des négligences, Benoît XVI s'était fixé les priorités de recentrer l'Eglise catholique sur son identité, d'éliminer les excès et frasques, de redonner une cohérence au message, de prôner un dialogue respectueux entre Eglise et décideurs laïcs. Lui qui était surnommé en Allemagne le "Panzerkardinal" pour son rôle sévère à l'ex-Saint-Office, pour sa chasse à toutes les dérives liturgiques ou sociales dans l'Eglise, impose sa marque d'emblée, faite d'exigence spirituelle. Il préfère s'entourer de prélats proches et sûrs par la doctrine que de courtisans. Il reste éloigné des intrigues de la Curie, mais il est rattrapé par elles. "Vatileaks", retentissant scandale de fuites de documents confidentiels au Vatican, marqué en 2012 par la condamnation arrestation de son majordome, Paolo Gabriele, révèle les tensions au Vatican sur de nombreux sujets, entre conservateurs et progressistes, traditionnels et modernistes, partisans de la transparence et du secret. Réservé dans le contact direct, il est jugé attentionné, chaleureux et attentif par ses interlocuteurs. Il se montre désireux de communiquer via médias et multimédia avec la société et ses meilleurs penseurs, pensant que l'Eglise se marginalisera si elle ne joue pas ce jeu. Ce pape conservateur mais intéressé par le monde moderne est inflexible comme Jean Paul II sur les questions morales: au nom de la défense de la vie humaine, il maintient la condamnation de l'avortement, des manipulations génétiques, de l'euthanasie ou des unions homosexuelles. Cela va contribuer à une incompréhension profonde des thèses de l'Eglise en Occident, alors qu'il souhaite qu'elle soit mieux écoutée et engage un dialogue fructueux avec les agnostiques, "le Parvis des gentils". Selon lui, le christianisme restera crédible s'il est exigeant. Il préfère une Eglise minoritaire et convaincue à une communauté de foi vague. Sur les réformes internes, Benoît XVI se montre très frileux. Il ferme ainsi la porte à toute évolution sur le célibat des prêtres. Benoît XVI fait des gestes vers les traditionalistes et ouvre les portes aux anglicans conservateurs opposés à l'ordination des femmes et homosexuels. Il accentue le dialogue avec les orthodoxes, et ne cache pas ses divergences fondamentales avec les protestants. Il poursuit aussi le dialogue interreligieux. Avec l'islam qu'il a irrité par des remarques sur la religion et la violence, le dialogue sera parfois difficile, mais il multipliera les appels, notamment en Afrique et au Liban, pour la coexistence entre les deux grands monothéismes. Avec le judaïsme, il poursuit la ligne de proximité de Jean Paul II, même si la défense de la cause du béatification du pape Pie XII, contesté pour son attitude pendant la guerre, crée quelques irritations. Le brillant théologien conservateur a semblé moins à l'aise avec les dossiers diplomatiques, après l'âge d'or de la diplomatie vaticane sous Jean Paul II. Il prônera une certaine ouverture à l'égard de la Chine. Fervent apôtre de la paix au Proche-Orient, Benoît XVI se mobilisera pour les chrétiens d'Orient et défendra une solution prévoyant la création d'un Etat palestinien aux côtés d'Israël.