Le président du syndicat des magistrats, Djamel Aïdouni, a rencontré, hier au siège de la cour de Constantine, les magistrats venus de toutes les wilayas de l'Est. Ces derniers n'ont pas caché leur mécontentement du rendement de leur syndicat durant 13 ans d'existence. D'ailleurs, ils ont exigé la présentation du bilan financier et moral du syndicat depuis 2006, alors que d'autres ont demandé carrément la démission du bureau actuel et l'élection d'un nouveau bureau, en donnant une chance aux jeunes. De son côté, M. Aïdouni, qui a noté toutes les doléances des magistrats, a appelé à une révision de certains articles de la Constitution pour consacrer l'indépendance de la justice en Algérie. Notons que cette revendication ne date pas d'aujourd'hui. Elle a été souhaitée depuis la création du syndicat. C'est ce qu'affirment tous les magistrats et spécialistes en droit public qui expliquent que l'actuelle Constitution et même le statut de la magistrature consacrent la mainmise du pouvoir exécutif, représenté en la personne du ministre de la Justice, du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et la désignation du premier président de la Cour suprême, comme vice-président du conseil. Il est à savoir que le rôle du Conseil supérieur de la magistrature est déterminant dans la gestion des carrières des magistrats, ainsi que leur désignation. Pour consacrer l'indépendance «totale», les membres du conseil avaient demandé de «joindre l'inspection générale du ministère de la Justice au CSM» et de définir «clairement» le rôle de l'inspection afin que sa mission se limite à l'«évaluation», sans interférer dans l'action du magistrat. L'occasion a été propice pour les magistrats pour évoquer les contraintes qu'ils subissent. Selon les juges prenant part à la rencontre de Constantine, la présidence du CSM «doit être revue» en plus de sa composante qui prévoit déjà en son sein 6 personnalités hors secteur de la justice et choisies par le Président de la République. Aussi «la composante même n'est pas représentative par rapport à la masse des magistrats qui exercent au niveau des cours et tribunaux». Les juges estiment qu'il y a un déséquilibre dans cette représentation, sans oublier la problématique de la nomination dans les postes-clés relatifs au corps magistral qui est du ressort du président de l'exécutif selon le statut de la magistrature. Le rôle du CSM se retrouve ainsi limité. Par ailleurs, l'on évoque également le frein des sessions de discipline qui activaient à régime plein il y a quelques années. L'on note que depuis l'année 2000, une véritable purge s'est opérée dans ce corps, avec plus de 230 magistrats révoqués. Ces derniers se sont organisés en association pour relancer leurs demandes de réintégration. Un sujet qui dérange apparemment le syndicat puisqu'aucune information ne filtre par rapport à leur cas. D'ailleurs, le président du syndicat n'a pas voulu s'exprimer sur cette question malgré l'insistance de la salle. Lever l'instruction du 28 octobre 2008 Si l'on parle d'indépendance de la justice, on ne peut omettre d'évoquer, selon toujours les magistrats, les contraintes de la fameuse instruction du 28 octobre 2008 émanant de l'ancien ministre de la Justice et qui reste «officiellement» en vigueur. Cette note est relative au nombre de reports des affaires. Depuis 2008, elle n'a cessé de soulever le problème de la justice «expéditive» puisque le juge n'a pas la liberté de juger seul du nombre de report des audiences. Cette instruction stipule que l'affaire civile ne peut être reportée plus de 5 fois et que l'affaire pénale ne peut l'être plus de 3 fois. «Le code des procédures pénal devrait être revu également», a-t-on insisté hier. Tout de même, les magistrats ont commencé ces derniers temps à se munir de courage pour dénoncer les conditions de travail et les pressions de leurs supérieurs. Le cas des magistrats d'In Salah est le plus édifiant. Pour rappel, 4 magistrats avaient observé une grève de la faim en janvier dernier pour dénoncer les agissements du président de la Cour de Tamanrasset. Les grévistes ont lancé un appel à l'ensemble des magistrats pour qu'ils se solidarisent avec eux afin que cesse ce calvaire. Ils affirment qu'ils travaillent sous la pression intenable du président de la cour. D'après eux, il les charge souvent de tâches qui ne sont pas les leurs et n'hésite pas à les sanctionner en cas de refus. Cette action de protestation est une première dans les annales de la justice algérienne. Enfin, faut-il savoir si nos juges sont à l'abri de la corruption, à la faveur des augmentations des salaires opérées ces dernières années et les primes dont ils bénéficient puisqu'à titre d'exemple, ils perçoivent près de 40 000 DA pour la seule prime de location ! La question, selon certains juges, ne doit pas se poser dans ce sens puisqu'il fut un temps où ils étaient payés beaucoup moins, mais cela ne les a pas empêché d'être «dignes» et de «rendre la justice selon la loi». Il serait judicieux de se poser des questions : nos juges sont-ils bien formés ? Sont ils compétents ? C'est là que réside toute la problématique.