Le cinéma dans le monde s'est beaucoup intéressé ces dernières années aux hommes de lettres. En effet, la vie d'écrivains donne matière à des scénarii : Miller, Kafka, Hemingway, Anaïs Nin, Pagnol… Même s'ils sont de mauvaise humeur, se plaignent de leurs éditeurs avec des airs d'artistes. Malgré cela, les cinéastes s'intéressent de plus en plus à leur vie. Hemingway incarné par George C. Scott et de nouvelles vagues de films racontent la vie des écrivains. Paul Léautaud dans Comédie d'amour, Ambroise Pierce dans Old Gringo, Goldini dans Rouge vénitien. D'autres encore plus récents, Franz Kafka dans L'amante, Henri Miller par Claude Chabrol, puis par Philip Kaufmann ou Isabelle Eberhardt sous la houlette de Ian Pringle. Cette femme pleine de vie et de ferveur avait vécu en Algérie. Déguisée en homme, elle traverse le désert algérien. Journaliste et écrivaine de talent, elle laisse derrière elle plusieurs œuvres, notamment des nouvelles. Elle finit sa vie à Aïn Sefra emportée par un oued en crue. Le vieil homme et la mer Hemingway, qui fut tout d'abord reporter, se consacra ensuite à l'écriture du roman. Vie tumultueuse, ce prix Nobel aimait les femmes, le vin, les voyages, la boxe et l'arène. Ses œuvres sont d'une sagesse inouïe. La volonté de gagner, de durer : Le vieil homme et la mer, Pour qui sonne le glas. Kafka a la vie complexe devant l'absurdité des choses. Monsieur K. dans son livre Le procès superbement réalisé par Orson Welles. Les lettres à Millena : «Ecrire des lettres, c'est se mettre nu devant des fantômes, mais les baisers écrits n'arrivent pas à destination.» Millena, sa fiancée, interprétée par Valérie Kaprisky, est libre et provocante. Kafka, lui avait peur des femmes. André Gide vu par Marc Allégret, ses voyages en Afrique du Nord où il découvre l'Algérie. Le château de ma mère, l'écrivain Marcel Pagnol, encore gamin, y traverse une province de rêves, baignée de nostalgies et d'anecdotes émouvantes. «Je songeais à faire ce film depuis 1963, disait Yves Robert. Mais Pagnol envisageait de porter lui-même ses livres à l'écran.» La vie des écrivains est au fond bien plus intéressante, c'est la raison pour laquelle il y a tant de films sur la vie des écrivains aujourd'hui, sans doute parce que la plupart d'entre eux sont des personnages de roman. Quatre documentaires réalisés par Dehane et Lekloum Mais en Algérie qu'a-t-on fait sur les hommes de lettres ou sur les adaptations de romans ? A part quatre documentaires réalisés par Kamel Dehane et Omar Lekloum. Le premier a consacré 52 minutes à Assia Djebbar et à Kateb Yacine : Assia Djebbar entre ombre et lumière est un portrait de cette romancière et cinéaste. A travers ces images, Dehane nous retrace l'enfance de cette femme qui est partagée entre les croyances ancestrales et une lutte pour l'ouverture sur la culture universelle. Assia Djebbar est née à Cherchell, son père instituteur lui fut d'un très grand apport dans l'orientation de sa vie. C'est dans les années 50 qu'elle commence à publier des romans : Les alouettes naïves, Les enfants du nouveau monde, Fantasia, Ombre sultane… sont des romans qui racontent la vie des humbles où l'on sent l'auteur toujours accroché à la terre. L'amour et la révolution est le titre d'un documentaire retraçant un fragment de vie de Kateb Yacine. L'auteur de Nedjma parle de son œuvre, de ses idées, de ses souvenirs à Sétif où il avait participé à la manifestation de 1945 : «Je suis né d'une mère folle très géniale, elle était généreuse, simple. Et des perles coulaient de ses lèvres. Je les ai recueillies sans savoir leur valeur. Après les massacres de 1945, je l'ai vue devenir folle. Elle est la source de tout.» Kateb lui-même mit cette double folie en rapport avec ses débuts d'écrivain, se jetant «tout droit dans la folie d'un amour impossible pour une cousine déjà mariée». Il en concevra Nedjma, où tout, dans un sens, est déjà contenu comme dans une cellule originelle. Nedjma, mythe charnel où la femme et l'Algérie «se répondent» en un jeu infini de miroirs.Et puis, la voix de Yacine qui reste le juste pour tous les peuples menacés de dictature et d'obscurantisme. C'est dans cette dimension de cette personnalité que réside son legs le plus précieux. Dib, l'absent Quant à Omar Lekloum, il a consacré 52 minutes à Mohammed Dib, intitulé L'absent, parce que l'écrivain concerné n'a pas participé au tournage du film. Le réalisateur était contraint de faire recours au témoignage : Sid Ahmed Bouali, historien et ami intime de l'écrivain, ainsi que le frère de l'écrivain ont parlé de l'enfance de Mohammed Dib et de sa passion pour l'écriture. Lekloum a promené sa caméra dans certains endroits de la ville de Dib, tels que Dar S'bitar et la maison Bouchama, à Tlemcen, où il a écrit notamment son premier roman, L'incendie, qui a été adapté pour la télévision par Mohamed Badie. Mohammed Dib est parmi les écrivains les plus connus au Maghreb, il a écrit près de 30 ouvrages. Le deuxième documentaire concerne Rachid Boudjedra. Sa vie et son œuvre ont été partiellement relatés. Cet écrivain de la deuxième génération est jusqu'à présent parmi les plus prolifiques au Maghreb. Il a écrit près de 30 ouvrages, ainsi que des scénarios, entre autres L'insolation, Le démantèlement, L'escargot entêté. L'initiative des deux réalisateurs est louable dans la mesure où ils font connaître des hommes de lettres algériens par l'image. L'adaptation de romans d'auteurs algériens pour le cinéma est presque inexistante en Algérie, un volet qui devrait être pris en charge, comme cela se pratique dans le monde entier.