Stéphane Hessel, ancien résistant et diplomate français, auteur du livre Indignez-vous, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi à l'âge de 95 ans. Né le 20 octobre 1917 à Berlin, en Allemagne, Stephane Hessel est arrivé en France à 7 ans. Naturalisé français en 1937, diplômé d'études supérieures de philosophie, il est mobilisé en 1939 et rejoint les Forces françaises libres en 1941. Arrêté par la Gestapo, il est déporté en 1944 à Buchenwald, le 10 juillet, à la suite d'une trahison. A la Libération, il entame une carrière diplomatique comme détaché au secrétariat général de l'ONU (1946-1951). Il participe, aux côtés de René Cassin, à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme, signée en 1948 dans le cadre des Nations unies. Sous la présidence de Charles de Gaulle, il s'occupe de coopération à l'ambassade d'Alger et, sous celle de Georges Pompidou, il devient directeur aux organisations internationales à Paris avant d'être détaché comme administrateur à l'ONU. En 1977, Valéry Giscard d'Estaing le nomme représentant de la France auprès de l'ONU à Genève. Il a aussi été membre du Haut-Conseil de la coopération internationale (1999-2003). Le 10 décembre 2008, au 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, Hessel devient le premier récipiendaire du Prix Unesco/Bilbao pour la promotion d'une culture des droits de l'homme. Des combats qui ont forgé sa réputation à travers le monde Cet anticolonialiste invétéré avait reçu, en 2011, le prix Frantz-Fanon. Il ne cessa dans ses fonctions officielles et ses nombreux engagements de citoyen de promouvoir et défendre les valeurs des droits de l'homme. Il est cofondateur de l'association France-Algérie en 1966. Favorable à développer une relation privilégiée entre les pays du Nord et du Sud, il proposa d'amplifier l'aide au développement et agit dans ce sens dans le cadre de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement. Attaché au respect des droits des immigrés, car il recelait en eux une richesse potentielle pour la France, il souhaitait favoriser et valoriser l'immigration officielle. C'est dans ce sens qu'il a été l'un des médiateurs des 350 Maliens sans-papiers de l'église Saint-Bernard, à Paris, en 1996. Il plaidait à l'époque pour l'examen des situations individuelles, au cas par cas, et à la lumière des droits de l'homme, de la famille et de l'enfant. «Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l'égard des immigrés, pas cette société où l'on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner, si nous avions été les véritables héritiers du Conseil national de la résistance», avait-il dit. Aussi, ses prises de position sur le conflit au Proche-Orient lui ont valu des remontrances de la part du conseil représentatif des juifs de France. Il a même été taxé d'anti-juif par certains éléments extrémistes. En août 2006, Stéphane Hessel signe un appel contre les frappes israéliennes au Liban, paru dans les quotidiens Libération et L'Humanité. Le 5 janvier 2009, il dénonce l'offensive israélienne dans la bande de Ghaza. «Pour ma part, ayant été à Ghaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des milliers d'enfants, la façon dont ils sont bombardés m'apparaît comme un véritable crime contre l'humanité», s'était-il insurgé. Le 4 mars 2009, Stéphane Hessel est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine. Le 30 décembre 2009, il cite Israël dans une liste d'Etats «tyranniques», avec lesquels le commerce ne doit pas primer sur les droits de l'homme. Il participa également aux différentes actions menées contre le blocus de Ghaza. En 2010, il appelle à participer au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël (BDS), soulevant l'indignation du Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme qui porte plainte pour «provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence». Son dernier voyage en Algérie date de début novembre 2010. Il avait animé, à Oran, quatre rencontres avec des étudiants et des lycéens autour de son engagement pour la campagne BDS, le Tribunal Russell sur la Palestine et son combat en faveur des droits de l'homme dans le monde. Indignez-vous ! «Prenez le relais, indignez-vous ! Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.» Voici un résumé de son manifeste Indignez-vous, dans lequel il encourage les générations montantes à conserver un pouvoir d'indignation. «La pire des attitudes est l'indifférence», écrit-il. Il y dénonce le système économique actuel fondé sur le profit individuel et propose un partage des richesses plus équitable. Il consacre également une grande partie du livre au conflit israélo-palestinien et prône l'insurrection pacifique et l'espérance. Au prix de 3 euros, son livre a été vendu à plus de 4 millions d'exemplaires dans près de 100 pays et est à l'origine des mouvements des indignés qui ont émergé en Espagne, en Grèce et aux Etats-Unis. «Je suis convaincu que l'avenir appartient à la non-violence, à la conciliation des cultures différentes. C'est par cette voie que l'humanité devra franchir sa prochaine étape», avait-il écrit. Son dernier ouvrage est un appel au désarmement nucléaire total et toutes les puissances nucléaires sont mises à l'index. «Parce que l'existence de ces armes menace le destin de l'humanité. Parce que les arsenaux du monde entier contiennent l'équivalent de 60 000 bombes de la puissance de celle d'Hiroshima. Parce qu'il n'est pas trop tard et qu'une prise de conscience et une sensibilisation du public s'imposent, Exigez un désarmement nucléaire total !», sera l'un de ses derniers messages à l'humanité.