La chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande sont les hôtes exceptionnels mercredi à Varsovie de quatre pays d'Europe centrale pour un sommet inédit qui vise à relancer une Europe de la défense toujours dans les limbes. Jamais encore les dirigeants allemands et français n'avaient été accueillis simultanément par le groupe de Visegrad, un club informel qui réunit la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. A sa création en 1991, ce groupe entendait renforcer l'intégration de ses membres dans l'Union européenne et l'Otan. Le sommet de mercredi vise à préparer un Conseil européen qui sera consacré en décembre au renforcement de l'Europe de la défense. Les ministres de la Défense des six pays présents devaient ainsi adopter une déclaration commune. Dans l'entourage du président Hollande, on précise qu'il s'agit "d'identifier les lacunes" de l'Europe de la défense en tirant les leçons des opérations menées ces dernières années en Afrique ou dans les Balkans. Il s'agit aussi de poursuivre la réflexion sur une "base industrielle et technologique de défense" commune, considérée à Paris comme "un enjeu d'indépendance technologique". "L'intervention au Mali a une nouvelle fois montré l'urgence de renforcer la défense européenne", souligne-t-on par ailleurs à l'Elysée où l'on se félicite de l'unanimité des Vingt-Sept autour de l'intervention française dans ce pays et du soutien logistique ou à la formation des forces africaines apporté par certains Etats membres. L'Europe ne consacre toutefois plus que 1,6% de son PIB à sa défense contre 5% pour les Etats-Unis. En 2011, les dépenses militaires sont tombées dans l'UE à environ 180 milliards d'euros contre plus de 200 milliards il y a cinq ans. Selon le Premier ministre polonais Donald Tusk, dont le pays assure depuis l'été la présidence tournante du groupe de Visegrad, cette réunion est "cruciale pour cette région du monde". La première puissance militaire européenne, le Royaume-Uni, n'a cependant pas été conviée. Ce sommet sera "utile", a simplement déclaré le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian, dans l'avion qui le menait à Varsovie. Paris soutient depuis de longues années qu'"il n'y a pas de contradiction entre Europe de la défense et Otan". Mais les anciens pays de l'est soulignent que leur défense collective est assurée par l'Alliance atlantique, l'Europe n'ayant pas vocation a garantir leur sécurité contre une agression extérieure. Quant à la Grande-Bretagne, soucieuse de préserver sa souveraineté et son lien singulier avec les Etats-Unis, elle traîne parfois des pieds, hostile en particulier à l'idée d'un état-major européen permanent souhaité par Paris même si les deux capitales ont renforcé leur coopération militaire avec le traité de Lancaster en 2010. Au chapitre industriel, l'échec, à l'automne, de la fusion entre l'européen EADS et le britannique BAE Systems restera comme une occasion manquée pour l'Europe de la défense mais la consolidation du secteur est jugée par de nombreux experts plus que jamais nécessaire pour pallier les restrictions budgétaires. "Ce n'est pas parce que ça n'a pas marché pour EADS et BAe que nous y renonçons", dit-on également à Paris. Les six devaient plancher aussi, selon Paris, sur "les facteurs de compétitivité" de l'économie européenne avant un nouveau sommet européen, la semaine prochaine à Bruxelles. François Hollande s'était déjà rendu en visite officielle à Varsovie à la mi-novembre, prônant "une nouvelle étape" dans les relations franco-polonaises. Berlin, Varsovie et Paris coopèrent aussi dans le cadre d'un autre forum diplomatique, le Triangle de Weimar.