L'Etat doit fortement s'investir dans la promotion de la communication d'expression amazighe qui est à un niveau de développement général "très modeste", se sont accordés à dire samedi à Alger les deux universitaires algériens, Mohamed Baddredine et Yacine Zidanedine. Pour favoriser le développement de la communication d'expression amazighe, qui est un élément de "consolidation" de l'identité nationale, les pouvoirs publics doivent s'y investir "fortement", a soutenu l'universitaire Mohamed Baddredine, lors du colloque sur les "cinquante ans des médias algériens". Cet investissement de l'Etat "doit aller dans le sens de l'élargissement des programmes télévisuels présentés dans la deuxième langue nationale et de la stimulation de la production télévisuelle par l'octroi de subventions", a précisé M. Baddredine, qui est également journaliste et assistant du Directeur général de la Radio nationale. La mobilisation de l'Etat dans la promotion de l'usage de Tamazight dans les médias trouve son explication, selon lui, dans la situation actuelle du champ médiatique national où, a-t-il dit, la place des médias s'exprimant dans les différentes variantes de tamazight est "très modeste, voire nul". Le marché des journaux quotidiens est ouvert à 129 titres arabophones et francophones et aucun en tamazight, a-t-il relevé. "L'audiovisuel en tamazight se porte nettement mieux que la presse écrite, mais la production reste quantitativement très faible", a ajouté le conférencier. Pour lui, la radio est "le précurseur et la locomotive de la communication d'expression amazighe". Il a rappelé à ce titre que le Kabyle était employé par les autorités coloniales à la radio depuis 1938 dans le cadre des ELAK (Emissions en langues arabe et Kabyle). S'agissant de la chaîne "4" de la Télévision nationale qui diffuse en Tamazight, M. Baddredine a indiqué qu'elle disposait de moyens "modestes" et qu'elle puisait, pour les besoins de sa grille, à hauteur de 80% dans les archives. Abondant dans ce sens, l'universitaire Yacine Zidane a estimé que non seulement la chaîne "4" puisait dans des programmes d'archives, mais surtout qu'elle "renfermait la communication en tamazight dans un ghetto folklorisant". Selon lui, les différents programmes de la "4" véhiculaient des stéréotypes "stérilisant" à travers la diffusion d'images qui renvoient à un vécu qui n'a plus de prise sur la réalité aussi bien en Kabylie que dans les Aurès ou ailleurs. A ce titre, M. Zidane a relevé plusieurs stéréotypes, à l'image de "ces femmes croulant sous les travaux domestiques, de ces chanteurs enveloppés dans des burnous ou ces sages des villages présentés dans la peau de vieillards mourants". "Il y a un effort considérable à faire pour sortir de ces stéréotypes qui détruisent l'images du Kabyle ou du Chaoui d'aujourd'hui", a-t-il soutenu. Le conférencier est favorable à l'idée de l'intervention de l'Etat pour encourager l'échange entre les médias d'expression amazigh eux-mêmes, notamment les radios locales de Tizi Ouzou, Bejaia, Batna, Khenchela, Souk Ahras, Tipaza, etc. MM. Zidane et Baddredine se sont accordés aussi sur la nécessité pour les pouvoirs publics de standardiser le mode d'écriture en Tamazight et de créer une banque de données susceptible de servir de référence aux journalistes travaillant dans cette langue. Pour rappel, le colloque de deux jours sur les "cinquante ans des médias algériens", dont les travaux ont pris fin dimanche, a été organisé par l'association "Les amis de Abdelhamid Benzine". Ses travaux ont porté sur l'histoire de la presse écrite algérienne, la réalité du secteur de la communication et sur les défis qui se posent notamment en matière audiovisuelle.