C'est le chacun pour soi qui règne dans les parties communes de la zone. La zone industrielle (ZI) de Oued Smar s'enfonce dans un drôle de paradoxe : au moment où l'activité industrielle génère des revenus se chiffrant à des milliards de dinars, c'est le chacun pour soi qui règne dans les parties communes. Le laisser-aller est total. Dès l'entrée de la zone, du côté de la décharge publique (autoroute de Dar El Beida), c'est l'anarchie qui est maîtresse des lieux. Au bout du premier virage, le visiteur tombe sur le siège de Batigec (construction). Ici, les trottoirs sont bouffés par de la broussaille. Au deuxième virage, des odeurs nauséabondes agressent les passants. Les puanteurs se dégagent de oued Smar qui charrie des eaux usées des usines et des habitations de la ZI. Le pont qui permet de traverser le cours d'eau constitue une véritable corvée. La chaussée est complètement défoncée. Les odeurs n'ont pas empêché l'implantation de plusieurs cafés et gargotes sur les rives de l'oued. Les clients, généralement des travailleurs, s'attablent aux «terrasses» et dégustent des sandwiches frite-omelette dans un environnement des plus pourri. Comme les commerces, il y a des habitations dont les fenêtres donnent sur le lit de l'oued. «Les gargotes sont très rares. On est obligé de venir déjeuner ici», dit un agent de sécurité. A force de fréquenter les lieux, les clients se sont habitués aux odeurs. Ils sont parvenus même à les ignorer. A la sortie de la zone industrielle, du côté de Dar El Beida, un vendeur a installé une gargote (une charrette) sur le trottoir. Les perturbations climatiques (surtout le vent qui soulève la poussière) ne l'ont pas empêché de proposer des sandwiches à 100 DA. «Cela fait des années que je suis là. Tant qu'il y aura de la clientèle, je continuerai à la servir», dit-il. Pour couper court à toute discussion, les clients affirment qu'il n'y a pas de restaurant, ni dans leur lieu de travail ni dans les environs immédiats. En cela, ils ont raison. Les trottoirs encombrés La zone est très mal gérée. La preuve est sur les trottoirs. Les accotements ne sont plus accessibles aux piétons parce que les opérateurs en ont décidé autrement. Pour tout dire, ils sont réservés aux déchets. Les matériaux usagés, les remblais et les gravats sont stockés tout au long des routes. Pour se débarrasser de leurs déchets, les patrons des usines optent pour la solution la plus simple : les abandonner sur la voie publique. Pourtant, la fameuse décharge de Oued Smar est située à l'entrée de la zone. «Les chefs d'entreprise ne veulent pas débourser dans le transfert des déchets vers la décharge», affirme Mohamed, un transporteur. Selon lui, le contenu d'un camion de moyen tonnage est facturé à 1350 DA à la décharge. Les conditions d'hygiène sont encore plus dramatiques. A quelques mètres de la gare ferroviaire, une décharge monstre a été constituée au croisement des routes à côté de l'ACG et de l'EPOMEBAL. C'est à ce carrefour que les transporteurs ont pris position. «La décharge a été levée à deux reprises, mais à chaque fois elle se reconstitue», assure Brahim, un autre transporteur. On l'aura compris : le réseau de collecte est inefficace. A cela s'ajoute le comportement insouciant des locataires de la zone. Des routes cabossées et sans nom ! Dans le croisement, une plaque de signalisation indique «Décharge interdite». Cela n'a pas empêché les contrevenants à récidiver. Les transporteurs accusent notamment les responsables d'une entreprise qui produit de la laque d'être derrière cette situation. Comme les routes ne sont pas baptisées, il est très difficile de se situer. Faute de nom, les grandes artères portent parfois des chiffres. «La plupart des personnes qui entrent dans la zone sont des habituées. Pour les étrangers, il vaut mieux qu'ils soient accompagnés», affirme Mohamed. La zone s'étend sur une très grande superficie et le nombre d'entreprises qui y ont élu domicile est très important. De ce fait, il est impossible de les mémoriser. Les travailleurs sont donc incapables de vous indiquer la bonne direction. La situation est encore plus difficile à gérer quand l'entreprise recherchée ne porte pas d'enseigne. Pour boucler la boucle, les panneaux d'indication implantés dans les croisements de chemins, ajoutent à la confusion générale. Ils sont placés d'une manière à semer le doute même sur la direction à prendre. Pour y ressortir, il nous a fallu emprunter d'abord plusieurs routes sans issue. La grande partie du réseau routier est accessible uniquement aux poids lourds. Les crevasses sont tellement importantes qu'elles peuvent immobiliser un véhicule léger ou l'endommager. Les autorités sensibilisées Le ministère de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement a été sensibilisé sur l'état des lieux prévalant dans les zones industrielles (ZI) de Oued Smar et de Rouiba. La semaine dernière, Abdelhamid Temmar s'est réuni, au siège de la SNVI, avec les chefs d'entreprise activant dans ces zones ainsi que les walis délégués de Rouiba et d'El Harrach. Au cours de cette réunion, le ministre a enregistré les doléances des opérateurs économiques. «Un état des lieux a été dressé concernant les problèmes de ces zones industrielles dont une partie incombe à la direction générale du site et l'autre aux opérateurs eux-mêmes», a indiqué M. Temmar. Selon lui, les opérateurs doivent s'organiser en association pour participer à la gestion des sites. Les problèmes sont nombreux : absence de réseau d'assainissement, déversement des eaux usées de façon anarchique dans l'oued, absence de traitement des eaux dans les usines, stationnement anarchique des transports, constitution des décharges sur les routes et dégradation de la chaussée. Les professionnels, eux, demandent la «mise à niveau» des sites.