Le cours de l'once d'or s'est effondré de près de 9% cette semaine, enregistrant lundi sa plus forte baisse quotidienne en 30 ans, dans un marché affolé où les investisseurs spéculatifs se précipitaient pour vendre, redoutant notamment un revirement de la politique de la Fed. OR Accentuant un repli entamé vendredi dernier, le cours de l'once d'or a réalisé lundi un plongeon spectaculaire, abandonnant plus de 160 dollars sur le marché londonien, son plus fort repli en une seule séance depuis 1983. Il a ensuite glissé mardi jusqu'à 1.321,95 dollars, son plus bas niveau depuis janvier 2011. "L'or a été emporté dans une vague de ventes massives touchant toutes les matières premières" après des indicateurs décevants en Chine (où la croissance ralentit fortement) et aux Etats-Unis, les investisseurs préférant liquider leurs positions pour se procurer des dollars, a observé Andrey Kryuchenkov, analyste de VTB Capital. Mais au-delà de l'effet de contagion, "plusieurs facteurs fondamentaux ou techniques spécifiques ont contribué à catalyser ce mouvement de vente fou et incontrôlable", a insisté Nitesh Shah, analyste du courtier ETF Securities. Ainsi, les minutes de la dernière réunion de la banque centrale américaine (Fed), publiées le 10 avril, ont suggéré que l'institution pourrait mettre un terme de façon prématurée à ses injections massives de liquidités dans l'économie. Or, ces dernières diluent la valeur du dollar et rendent plus attractifs les achats d'or. La diminution des tensions inflationnistes, en dépit de la politique interventionniste des grandes banques centrales, font par ailleurs perdre à l'or (considéré comme un bon bouclier contre l'inflation) l'un de ses moteurs essentiels. En outre, la perspective de voir Chypre se séparer d'une partie de ses réserves d'or pour sauver ses finances a refroidi le marché: celui-ci y a vu "un précédent possible pour les autres grandes banques centrales européennes", qui pourraient s'engager "dans un programme non coordonné de ventes d'or", a souligné Michael Lewis, de Deutsche Bank. Enfin, "différents seuils techniques à la baisse ont été franchis", à l'instigation de gros fonds spéculatifs, et "ce franchissement a entraîné des mouvements de ventes automatiques en cascade qui ont alimenté eux-mêmes le plongeon", a ajouté Nitesh Shah. Le cours de l'or s'est quelque peu stabilisé à partir de mardi, aidé par un accroissement des achats physique (lingots et bijoux) par les consommateurs asiatiques, mais le marché peinait à se reprendre de façon substantielle. "Pour le moment, la réputation de l'or auprès des investisseurs est sérieusement endommagée. Le métal jaune, qui était jadis la valeur refuge par excellence, est devenu un actif bien trop sensible aux spéculations sur la politique de la Fed, à la valeur du dollar et aux aléas des marchés", a commenté M. Kryuchenkov. D'autant que l'or pâtit de la concurrence des marchés actions américains, bien plus rémunérateurs, qui grimpent irrésistiblement et enchaînent depuis début mars une course aux records historiques à Wall Street. Signe ultime de la disgrâce du métal précieux, le désintérêt persistant des investisseurs pour les ETF, des fonds cotés en Bourse et adossés à des stocks d'or -- un facteur négatif majeur pour les analystes de Morgan Stanley, qui y voient l'effondrement d'un des "piliers" ayant favorisé l'ascension de l'or ces dernières années. SPDR Gold Trust, le plus gros fonds d'or coté dans le monde, a vu le volume de ses participations chuter de 50 tonnes cette semaine (-4%), après un repli de 25 tonnes la semaine précédente. Après avoir dégringolé de 190 tonnes ces deux derniers mois, il ressortait jeudi soir à 1.132,99 tonnes d'or, au plus bas depuis avril 2010. Sur le London Bullion Market, l'once d'or a terminé à 1.405,50 dollars vendredi au fixing du soir contre 1.535,50 dollars le vendredi précédent. ARGENT Le métal gris a plongé dans le sillage de l'or, cédant 13% de sa valeur sur la seule journée de lundi, et sombrant mardi à 22,07 dollars l'once, au plus bas depuis octobre 2010. L'argent a terminé la semaine à 23,66 dollars l'once contre 27,40 dollars sept jours auparavant. PLATINE/PALLADIUM Les métaux platinoïdes, dont le principal débouché est l'industrie automobile, ont également piqué du nez: le platine a touché mardi 1.375,50 dollars l'once, au plus bas depuis décembre 2011, tandis que le platine descendait à 647,25 dollars, un niveau plus vu depuis près de six mois. Sur le London Platinum and Palladium Market, l'once de platine a terminé vendredi soir à 1.425 dollars contre 1.514 dollars une semaine auparavant. L'once de palladium a fini à 677 dollars contre 715,50 dollars la semaine précédente.